Après une première édition en 2014, Shtar Academy, album enregistré au sein d’une prison avec la participation des détenus, est de retour en 2022, avec une réédition le 28 avril dernier. Shtar Academy, projet porté par Mouloud Mansouri et Tony Danza, ce n’est pas uniquement un projet de réinsertion, c’est un projet artistique rythmé, agile et digne de ses auteurs…
Après une première édition en 2014, c’est en 2021 que Mouloud Mansouri relance le projet et propose aux détenus de la maison d’arrêt de Fresnes d’élaborer et d’enregistrer un album rap au sein même de la prison. Avec l’accord de Jimmy Delliste, directeur de la maison d’arrêt, les portes de Fresnes s’ouvrent à Mouloud et Tony et l’histoire (re)commence et se réinvente.
Les auditions sont lancées et les deux acolytes sélectionnent les plus motivés. C’est alors une dizaine de détenues qui se forment ou se perfectionnent à la rime. On y compte notamment Claude, Davy, Nono, Perkiz, Ryan, Young Chang et d’autres. La création commence et une fois prêts, Mouloud invite divers rappeurs aguerris et reconnus, tous armé de leur connaissance du rap et de son univers, ainsi que de son propre style, pour venir poser sur l’album en compagnie des détenus, et pour partager son expérience.
On voit alors se construire un projet passionné et motivé, né d’une forte volonté d’oeuvrer pour la réinsertion des détenus, mais surtout d’un amour profond du rap, de sa culture et de son histoire.
À l’occasion de la réalisation de cette deuxième édition de Shtar Academy, Sarah Marx coréalise avec Sadat Seydi, un documentaire particulièrement immersif : Cellule de Rimes (ICI). Ce projet suit donc Tony, Ryan, Nono, Perkiz et les autres, tout au long de cette folle production, construite sur et par les visions, pensées et expériences de chacun.
C’est aussi pour Fifou, grand photographe urbain reconnu et incontesté dans le milieu du rap français, une occasion de documenter l’expérience en réalisant une série de photographies durant la création du projet.
26.04.23 – Institut du Monde Arabe, PARIS.
Entre exposition photo, projection et concert, la soirée de lancement de Shtar Academy (En Permission) plonge le public dans un univers bien définis.
Cette soirée, permet alors au public de découvrir l’exposition de Fifou, gorgées d’histoires et de sensibilité, ainsi que le documentaire de Sarah Marx et Sadat Seydi qui donne la parole à chacun des acteurs de ce projet, en les honorant au travers de l’oeil vif et réfléchi de la caméra. Grâce à cela, la salle entière est plongée dans l’univers Shtar Academy dès les prémices de l’évènement, emportée dans un tourbillon intense et bouleversant, qui dépeint des artistes complets sur fond de sensibilité.
La projection des 2 premiers épisodes de la série commence et le contexte est posé. Immergé dans un monde qui mêle HipHop et milieu carcéral, Cellule de Rimes permet au public non seulement de situer le projet dans le contexte adéquat, mais également de comprendre les motivations et objectifs qu’il défend. Cette mise en contexte des plus importantes, pose alors un cadre concis, et offre au public la possibilité d’en apprendre plus sur les artistes et leur réalité. Puis le concert débute et le public découvre le projet, performé sur scène, vivant, fort et fougueux.

21h – Le Concert.
Le concert, évènement majeur de la soirée, représentant et porte parole de la réédition de Shtar Academy saison 2, emporte chacun des spectateurs dans une tempête de rimes noyées dans le tumulte fracassant des prods.
Le travail de Fifou est également projeté sur scène tout au long de la prestation des rappeurs. Touchantes, communicatives et puissantes, ces dernières engendrent un réel attachement du public envers les artistes.
Ces derniers arrivent sur scène. Ryan et Nono dans un premier temps, rendant le documentaire d’autant plus réel, en donnant vie aux individus que le public à d’abord découvert sur grand écran. Accompagnés de rappeurs déjà présents et reconnus sur la scène rap française, tels que Uzi, SLK, ou encore les marseillais NIC et SLZ, nos jeunes rappeurs s’épanouissent et évoluent sur scène, dévoilant leur talent et leur vigueur. C’est donc un réel moment d’apprentissage et de partage qui s’offre au public, lui permettant de saisir les enjeux et l’importance de l’implication de ces anciens détenus dans la musique.
Ce tableau, porteur d’un message fort et mandataire des valeurs d’un genre musical à l’Histoire précise, illustre une cohésion forte et sincère entre des rappeurs faisant leur débuts et d’autres d’ores et déjà connus et assurés dans un milieu très prisé.

Cette cohésion, ce partage, ce respect mutuel, on le retrouve dans la salle à ce moment là. Miroir de ce qui se passe sur scène, le public, aussi hétéroclite que solidaire, répond aux artistes avec la même ferveur. C’est d’ailleurs ce public fortement contrasté qui donne alors à l’évènement une toute autre dimension, en en faisant un réel vecteur de partage entre générations, origines et histoires. Le contraste est générationnel, culturel, mais il est aussi visuel. Visuel de par les générations présentes certes, mais surtout de par les différentes célébrations. Les uns sont assis, les yeux rivés sur les artistes, chantonnant et fredonnant. Les autres sont debout, en bas de la scène, accompagnant à gorge déployée ceux qu’ils sont venus soutenir. Cette effervescence et ce mélange des identités, représente alors parfaitement Shtar Academy, son essence même, ses valeurs et prises de positions, et élève alors le moment hors du temps.
Crédit : Raphaël Baumann
Riche, fort et représentant des histoires de chacun, l’album co-réalisé par Mouloud Mansouri et Tony Danza, offre au public un projet engagé et réfléchit, symbolisant une musique généreuse et pleine de sens.
Shtar Academy c’est fort, c’est puissant, c’est ardent. C’est le pouvoir de toucher et de saisir les sentiments et réflexions de chacun par le prisme complexe qu’est celui du rap.

Shtar Academy (En Permission), réédition de Shtar Academy saison 2, c’est sorti le 28 avril 2023 et c’est disponible sur toutes les plateformes de streaming ICI