[Interview] Carbonne : « Ma musique est comme un soleil mélancolique »

Mélodies qui sentent bon le sud et ses textes mélancoliques, le rappeur Carbonne s’exprime dans nos colonnes sur son parcours et son nouvel EP Sous l’averse, sorti le 24 mars dernier.

Avec déjà 1M de streams en moins d’un mois, une signature chez un grand distributeur et la création de son propre label, Carbonne trace son chemin et a de plus en plus de visibilité.

[LREF] Salut Carbonne, comment vas-tu ?

[Carbonne] Ça va nickel et toi ?

Parfait, merci. Quand est-ce que tu as commencé à écrire et à faire de la musique ?

J’ai commencé à écrire au collège et j’ai commencé la musique à l’âge de cinq ans avec la batterie. J’ai arrêté cet instrument au lycée et en parallèle j’ai appris à faire du piano en autodidacte. C’est tout ça qui m’a donné goût à la musique. J’ai commencé à être intéressé par le rap dès le collège, notamment grâce à Diam’s ou encore à Soprano et Tunisiano.

Au départ, mes textes c’était vraiment du rap conscient. Il n’y avait pas de mélodies dans mes sons. Aujourd’hui, le côté mélodieux et le côté prod sont beaucoup plus développés dans ma musique. Je trouve qu’on peut faire passer tellement d’émotions par la mélodie… Le fait de jouer des instruments de musique très tôt m’a beaucoup aidé, au début je faisais des instrus au piano à l’oreille. Maintenant quand je fais des toplines c’est hyper instinctif en studio.

crédit: idrnz

Actuellement, c’est toi qui fais tes prods ?

Mes prods on les fait au Hot Sauce Studio avec des beatmakers qui bossent avec moi. C’est eux qui mixent et moi je suis à côté pour les aiguiller. Je vais avoir tendance à écrire chez moi mais ce qui est prod c’est au studio, parce que je ne maîtrise pas forcément les logiciels. Pour mon premier son que j’ai sorti j’avais tout fait de A à Z mais ça m’avait pris beaucoup de temps. Autant bosser en équipe avec des gens qui savent s’en servir.

Tu es pas mal présent sur les réseaux, est-ce que ça t’a donné de la visibilité à tes débuts ?

Ça m’a beaucoup aidé pendant le confinement. Avant cette période je postais quelques freestyles sur Instagram, je sortais mes premiers sons sur YouTube. Mon premier son Spotify est sorti à peu près pendant la période du Covid. Pendant le confinement, je me demandais comment j’allais pouvoir défendre ma musique. Je faisais pas mal de premières parties, j’avais des concerts programmés mais tout s’est effondré. Il fallait que je trouve un autre moyen. Un pote m’a conseillé d’aller voir sur TikTok. J’ai publié des freestyles sur cette plateforme et ça a bien marché. J’ai posé des couplets sur des prods connues : ma vidéo sur une prod de Lefa avait fait 1M de vues en une soirée. A ce moment-là, c’était une compensation, mais ce que je préfère c’est faire des projets concrets.

Tu as fait pas mal de festivals régionaux, comme Les iNouïs ou encore le SMAC Paloma de Nîmes. Tu viens du sud de la France c’est ça ?

Oui, je viens de Montpellier. Je suis attaché à cette région parce que j’ai grandi là-bas. Je suis parti un an en Australie après le bac. C’est quand je suis rentré de ce voyage que je me suis dit que le rap n’était pas juste une passion mais que je voulais vraiment me lancer. A part cette année-là, j’ai toujours vécu dans le sud de la France, je suis allé à la fac. Le sud c’est agréable, c’est tranquille.

Tu as fait le Yung Fest au Zenith de Montpellier en 2022 aux côtés de Josman, Gazo ou encore Koba LaD. J’imagine que c’est un très bon souvenir ?

Oui, c’est le Zénith de ma ville. C’était un festival avec de gros artistes donc ça a été une grande expérience.

D’où vient ton blaze « Carbonne » ? C’est en rapport avec la ville qui se situe vers Toulouse ?

Non, c’est mon nom de famille. Chez moi ça faisait beaucoup de musique. Ce sont mes parents qui m’ont initié à ce domaine. Mes oncles sont soit dans la musique, soit dans la peinture. Ma famille est donc dans un milieu artistique. Que ce soit mes oncles ou mon père, ils gardent le nom Carbonne associé à leur prénom. Je me suis dit que ça pouvait aussi me servir de nom de scène. J’ai voulu perpétuer la tradition.

Tu bouges aussi pas mal sur Paris. Tu as fait un concert à La boule noire, et là un show case le 14 avril.

Oui, on fait le showcase avec le shop de vêtement streatwear Tealer. C’est pour fêter la sortie de l’EP à Paris avec l’entourage et tous les gens qui ont bossé sur le projet. Quand on est un auditeur on ne se rend pas forcément compte mais il y a pleins de personnes derrière un artiste. Personnellement, j’ai monté mon label avec lequel j’ai signé en distribution chez Play Two. Mais je bosse avec pleins d’indépendants, par exemple des attachés de presse avec Mazette. Le but de cette soirée c’est aussi que tout le monde se retrouve. C’est un événement d’équipe, aussi avec des potes et quelques personnes qui suivent le projet sur Insta pour faire venir du public.

Tu apprécies les sensations sur scène ?

Oui j’aime bien la scène. Si on me demande scène ou studio je réponds 50/50. L’ambiance studio c’est un moment qui peut paraître long parce que c’est là qu’on cherche et qu’on teste des choses. La scène c’est le soulagement, c’est plus rare et précieux. Pour créer j’aime bien aussi les séminaires : on va dans une maison avec des beatmakers et des potes et on fait du son pendant une semaine. Sur scène on est trois : mon gars Jiddy Bruh aux platines, Léo Land qui est pianiste et qui a également participé aux prods pour l’EP, et moi à la voix.

Ton premier son visible sur Spotify c’est Ailleurs. Après tu as sorti d’autres sons comme par exemple Blabla qui a été un gros succès.

Blabla a bien marché, Ocarina qui est sorti avant Blabla ne va pas tarder à dépasser Blabla aussi. Je trouve qu’Ocarina représente plus ma musique que Blabla. S’il y a un titre à mettre plus en avant dans mes anciens sons je pense que c’est Ocarina.

Ton 1e EP Aux Aurores est mélancolique. Dans la vie est-ce qu’écrire te permet de t’exprimer et de te soulager ?

Je dirais que j’apprends beaucoup sur moi via l’écriture. Quand je suis dedans, au moment d’écrire, je ne m’en rends pas compte. C’est avec du recul quand je réécoute que je perçois le mood dans lequel j’étais. Je ne réfléchis pas trop quand j’écris. Actuellement j’essaie justement de plus me centrer sur des thématiques, parce que souvent ça sort comme ça et après j’en fais un morceau, en essayant toujours de suivre quand même une ligne directrice. Mais c’est aussi ce qui rend mon rap sincère et authentique.

Après avoir sorti d’autres sons comme 0 questions et MTP, c’est donc ton 2e EP Sous l’averse qui est sorti le 24 mars. Il a déjà atteint 1M de streams. Est-ce que tu es content de ce démarrage ?

Je ne savais pas à quoi m’attendre après le 1e EP qui était un peu une carte de visite, avec plusieurs styles dedans. Pour Sous l’averse on a une ligne directrice plus précise. Même s’il y a des prods différentes, la DA (direction artistique) est plus travaillée.

En effet, on voit par exemple que tu répètes souvent le mot « averse » du titre dans tes sons. On voit que c’est relié.

Oui, bien vu. Sous l’averse ça collait bien parce que c’est l’averse de pleins de choses qui se sont passées ces derniers temps. Il y a la signature chez Play Two, la création de mon label. Mais ça représente aussi bien ces choses positives que d’autres choses plus négatives liées à tout ce qui est émotions.

L’averse, c’est un peu le gris de la pluie. Ton dernier son s’appelle Comment colorier la suite. Justement, sur la fin tu te poses la question de la recherche du bonheur, la recherche de couleurs.

Exactement. A la base ce son je l’avais fait pour l’EP mais ce n’était pas prévu qu’il soit placé en dernier. En fait, on s’est rendu compte que c’était très logique que ce soit la conclusion du projet. Même par rapport au style de son, c’est comme une ouverture, avec un peu plus d’effets sur les voix.

Oui, c’est vrai qu’on retrouve des sonorités dans cet EP qu’on ne voyait pas forcément avant. Dans Yakari ou même dans les voix en écho de Valhalla on rencontre un peu d’électronique, de digital. Dans Revolver, c’est plus de la trap.

Oui, mais tout en gardant la même patte. Ma marque de fabrique elle est vraiment dans la voix : comment je vais aborder les mélodies et les toplines.

Finalement, on peut dire que ton rap est rythmé et mélodieux.

Avant, j’étais plus dans un mix mélodie et kickage : je faisais des refrains mélodieux et des couplets rap. Maintenant, je rappe en chantant.

C’est une sorte de contraste avec les paroles qui sont plutôt tristes. Sur certaines instrus on a presque envie de danser.

Oui c’est ça. T’as bien mis le doigt sur ce que représente ma musique. Le côté soleil mélancolique, dans le sens où tu ressens les sonorités solaires du sud. Si on ne m’arrêtait pas je pourrais mettre de la guitare partout.

Tes rimes sont travaillées, comme par exemple dans le son Valhalla.

Oui, c’est un single que j’ai sorti trois semaines avant l’EP. Pour ce son je suis resté dans mon thème de départ. Il parle d’une relation avec une fille et au début je partais un peu dans tous les sens dans le couplet, comme d’habitude (rires). Au final, ça rend bien parce que je suis resté sur ma ligne.

Ton 2e EP met encore plus l’accent sur les relations sentimentales.

Carrément, c’est ce dont on parlait avec le mot « averse ». Il y a pleins d’émotions. Je parle beaucoup plus des relations amoureuses mais aussi des relations en général.

Tu sors pas mal de clips. Tu en as fait trois pour le dernier EP et d’autres pour tes anciens sons. Est-ce que tu aimes bien les tournages ?

Je bosse avec Ydrn pour la réalisation de mes clips, sauf pour celui de Valhalla où il était photographe et où c’était Pierre Gounin qui était à la réalisation. Ydrn a aussi fait certaines de mes covers, notamment celle du dernier EP. C’est un pote que je connais depuis longtemps, on a monté ensemble. Aujourd’hui il participe à des projets de grands artistes.

J’adore faire les clips, mais je ne veux pas non plus en faire trop. Je préfère en faire quelques-uns qui sont bien réussi plutôt que de les faire juste pour les faire. Il y a des sons où j’aime bien ne pas mettre de clip pour que les gens se concentrent juste sur la musique. Il faut vraiment qu’un clip soit en cohérence avec le son et qu’il lui apporte une plus-value, ou du moins que ça ne dénaturalise pas le message transmis. Parfois on imagine le son en l’écoutant mais après avec la sortie du clip ça peut changer l’avis et la vision qu’on avait sur le son. Dans mes débuts, on n’avait pas de moyens mais on faisait avec ce qu’on avait. On y a toujours mis du cœur pour produire quelque chose qui nous plaisait vraiment. Parfois, ce sont des clips très simples, ou des visualizers. L’idée c’est de trouver un concept à la fois simple et efficace. Par exemple pour En bas de chez moi on a mis la caméra sur la voiture et on a filmé un peu ma routine dans Montpellier.

On voit souvent la mer dans tes clips. C’est encore un clin d’œil au sud ?

Oui, c’est le côté sudiste ! Dans Valhalla on voit la mer mais il a été tourné en Normandie. On s’imagine quand même que c’est le sud.

Comment tu vois l’avenir après cet EP ?

On va continuer à travailler et à sortir des sons. Il y a un feat qui arrive dans un mois. Je veux continuer à faire de la musique que j’aime avec des gens que j’aime. Si un jour on peut s’organiser une tournée à travers la France, même dans les petites salles, ça me permettrait de rencontrer un peu plus mon public.

Au niveau du format de tes projets, tu souhaites rester sur l’EP ou tu envisages de sortir un album ?

Je pense faire un long projet un jour mais pas tout de suite. Pour le moment, ce sera encore des singles et EPs. Un album ne sortira pas demain ni en 2023.

Tu as parlé de feats. Est-ce que tu aimerais faire un feat avec des artistes en particulier ?

Je n’ai pas forcément de feat de rêve. Je pense que le plus important c’est le feeling, le côté humain. On le sent vite quand musicalement on est sur la même longueur d’ondes ou pas. Si je devais sortir un nom je dirais Diam’s mais ce n’est plus possible aujourd’hui. C’est quelqu’un qui m’a bercé dans mon enfance.

Quel artiste tu aimes bien écouter en ce moment ?

J’écoute pas mal Jul. Je trouve que c’est un artiste authentique. Ce n’est pas quelqu’un à découvrir, il est déjà très connu de tous mais ce qui est top c’est qu’on peut l’écouter en soirée comme seul avec des écouteurs.

Un mot de fin ?

Oui, juste dire que je bosse vraiment en coopération avec toute l’équipe du Hot Sauce Studio : Tosmah et Nidsound. Il y a aussi le beatmaker Medeline qui a pas mal travaillé pour Hatik et Diam’s.

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About Ludivine

Je suis étudiante en licence d'information communication. Passionnée par la musique, en particulier par le rap, je me rends à de nombreux concerts et écoute en permanence sur les plateformes. Je suis particulièrement fane de Laylow, Josman et Nekfeu. J'aime écrire et faire du montage vidéo, et m'investir à fond dans un projet ! Tout le domaine des médias, de l'audiovisuel et du journalisme m'intéresse.

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