Avec la rubrique découverte La Nouvelle FRap, on digge les nouveaux talents du rap francophone qui vont bousculer le game et vos playlists dans les mois à venir !
A intervalles de temps réguliers, LREF vous propose un petit panel de cinq artistes auxquel.le.s il est urgent de jeter une oreille. La longue absence de la Nouvelle FRap nous ayant permis de jeter un œil dans le rétroviseur, on s’est rendu compte que notre digging s’arrêtait systématiquement aux frontières de l’Hexagone. Pour des adeptes de la décentralisation rapologique, ça la fout mal. On essaye de se rattraper ce mois-ci, puisque les artistes de cette première sélection de la saison ont toutes et tous été pioché.e.s hors des frontières françaises.
Calamine
Si sa musique commence tranquillement à se frayer un chemin dans les playlists hexagonales, Calamine dispose d’ores et déjà d’une belle notoriété au Québec. Armée d’une technique impeccable et d’un humour tranchant, la rappeuse porte bien haut l’étendard des luttes queer, féministe, écologiste et anticapitaliste. Après un premier album sorti en 2020, l’artiste montréalaise a dévoilé le 8 juillet dernier Lesbienne woke sur l’autotune, opus dont le titre fournit quelques clés de lecture pour appréhender l’univers de Calamine. D’une part car elle s’attache, dans la droite ligne de ses précédents projets, à y dénoncer les stéréotypes et les inégalités de genre, le fossé entre riches et pauvres et bien d’autres problématiques sociales (passé et présent du colonialisme canadien, pollutions…). D’autre part car la rappeuse a transformé sa proposition sonore ces derniers mois, ouvrant la porte aux batteries trap et, sans surprise, à l’autotune. En bref, Calamine fait partie de ces – trop rares – artistes dont le parcours, les revendications et l’intelligence musicale apportent un grand bol d’air dans l’univers rap francophone : à écouter d’urgence !
Esras LCC
Voilà une bonne décennie que la scène genevoise voit régulièrement émerger des artistes de talent, et ce n’est pas Esras LCC qui va faire mentir cette dynamique. Après Les silences de ma ville, premier long format sorti en 2017, le rappeur suisse a livré en février dernier l’EP Décembre, entre continuités thématiques et évolutions sonores par rapport à son premier opus. Attaché aux noms de crew et aux titres graffiti sur ses pochettes, Esras LCC fait un rap qui fleure bon l’aérosol, même si l’étiqueter « rappeur-graffeur » serait le couvrir d’habits trop étroits. Sur des batteries trap ou boom-bap, le suisso-italien décrit ce qu’il observe et ce qui le percute lorsqu’il arpente sa ville, de l’existence des plus précaires à l’encombrante présence policière (mention spéciale à la phrase « je baisserai pas mon doigt même si t’es le gentil flic » sur le morceau Le centre). Technique et mélancolique à l’image des artistes qu’il cite en référence (Nakk, Akhenaton), Esras LCC fait du rap comme il l’aime, direction artistique qui lui réussit pour l’instant très bien.
VVS Panther
« VVS hors norme hors des codes » selon ses propres mots : VVS Panther est une rappeuse suisse originaire de Lausanne. Son premier album Jungle sorti en 2020 est nourri d’influences larges, quitte à parfois s’affranchir des frontières du rap. Néanmoins, rap et rythmiques trap restent très bien représentés dans l’album et la rappeuse démontre son aisance dans le domaine. A l’aise, la MC l’est aussi sur scène, moment privilégié où ces morceaux trap prennent toute leur dimension. Ce qui surprend et ajoute une plus-value à la musique de VVS Panther, c’est la diversité des sonorités qu’elle explore. Passer du morceau rap Magnum à un morceau comme La Plage, qui tend davantage vers la surf music, est réjouissant et surprenant. Dernièrement l’artiste suisse nous a gratifié de FYH avec sa grosse rythmique entrainante sur laquelle la rappeuse s’amuse et démontre son agilité. En attendant les projets à venir en cours de préparation, vous comprendrez à l’écoute de sa musique et du voyage auditif qu’elle offre que VVS Panther est indéniablement un talent à suivre.
Der’k
Assez peu connu des auditeur.rice.s de l’Hexagone, le rap marocain s’exporte toutefois de mieux en mieux sur nos rives de la Méditerranée, sous l’impulsion d’ElGrande Toto, artiste phare de Casablanca qui a invité Lefa, Hamza et Damso sur son dernier album. Signé sur le même label et de quelques années son cadet, le rappeur Der’k a quant à lui choisi de ne rapper qu’en français, en tout cas pour l’instant. Après une enfance et une adolescence passée entre le Turkménistan, l’Arabie Saoudite et le Maroc, le casablancais commence à s’investir pleinement dans le rap à la fin des années 2010, sortant quelques freestyles sur Instagram puis sur YouTube. Relativement discret au cours des derniers mois, Der’k a livré en cette fin de mois d’août le titre Lune, sans conteste le plus abouti de sa discographie. Écriture soignée, refrain entêtant et beat imparable composé par le producteur Mehdy (Kanoé, YL…) : le son a toutes les qualités requises pour propulser son auteur sur le devant de la scène.
Boa Joo
Un premier EP tout en maîtrise, une poignée de clips soignés et un passage au Dour Festival : voilà de quoi lancer en bonne et due forme une carrière prometteuse. Après les péripéties des confinements et des restrictions, la rappeuse bruxelloise Boa Joo a choisi 2022 pour sortir Sérénade et le défendre sur scène. Bien rappé, bien chanté, cet EP prend, dans le contenu, le contrepied de son titre. L’artiste y évoque son rapport aux hommes sans artifices et sans complaisance : Boa Joo décèle et révèle la fragilité psychologique derrière les attitudes bad boy, et refuse le rôle de pansement émotionnel qui échoit bien souvent aux femmes. S’il lui permet de bousculer les stéréotypes de genre, cet opus offre également à la rappeuse un support pour mener sa propre introspection, comme en témoignent les passages sur la figure maternelle, la consommation d’alcool ou l’évolution dans le monde de la musique. Artiste touche-à-tout (autrice, interprète, réalisatrice…), Boa Joo semble avoir toutes les cartes en main pour poursuivre sa montée en puissance.