Loin d’être objectif ou exhaustif, notre top des projets rap de cette année regroupe 15 projets qui ont marqués 2022 pour nous. Si certains artistes ont fait l’unanimité au sein de la rédac’ ou du milieu, d’autres ont peut-être une place moins évidente dans cette liste, mais constitue la crème de la crème du goût les membres de la rédaction…
15 – Eloquence – Maison suave (ICI)
Qu’elle est loin l’époque de son tube Match nul, sorti au début des années 2000 sur la B.O. de Taxi 3. Aujourd’hui, Eloquence est un daron, et il fait de la musique de daron : il distille son vécu et ses observations sur la vie avec un flow posé, presque parlé, façon Jay-Z dans 4:44, lâchant des punchlines qui peuvent paraître simples, mais qui font mouche à chaque fois (“la preuve vivante des défaites de la musique”). Le tout est minutieusement accompagné musicalement par des prods boom-bap et trap remplis de samples de jazz et de blues, donnant au projet une atmosphère douce et apaisante (on pense notamment à Konishiwa, Burrata et Sourire & vécu).
Mais il n’oublie pas non plus qu’il vient de la rue, notamment lorsqu’il convoque Tedax Max et Tookie sur Triple menace, ou A’s Marekage Streetz et Smoker sur Chalino Sánchez et Bad ass, pour autant de featuring qui ressemblent à des réunions de OG, accompagnées par des prods à l’ambiance sombre et inquiétante. Un disque à écouter à la fin des vacances d’été, un verre de rhum à la main, un cigare dans l’autre.
Focus track : Sourire & vécu
Tout est dans le titre : sans en dire trop, on devine que le rappeur n’a pas vécu que des moments faciles. Mais il préfère en sourire, et en tirer des punchlines en forme de proverbe (“confond pas amour et désir, c’est pas la même au générique”). Le tout, sur une instru à la rythmique boom-bap, et dont les accords de guitare confèrent au titre une douce mélancolie particulièrement savoureuse.
13 – Caballero – Osito (ICI)
Tout comme son compère de toujours Jean Jass, Caballero a sorti son premier album Oso l’année dernière. Et tout comme avec JJ, il nous avait déçu : trop de tentatives musicales, sur des terrains qu’il maîtrise certes, mais sans supplément d’âme. Alors, à l’instar de son compatriote belge, et dans la lignée d’un Deen Burbigo par exemple, Caba a décidé de revenir à ce qu’il maîtrise le mieux : le rap.
Résultat ? Osito, un EP court, dans lequel un Caballero particulièrement inspiré enchaîne 5 morceaux très techniques d’à peine 2 minutes, pour former un gros morceau d’environ 9 minutes à la fin (le tout, superbement illustré visuellement par un court-métrage).
Vous ajoutez à ça deux titres “bonus”, et vous obtenez un projet de 13 minutes au goût de trop peu, ce qui, généralement, est plutôt bon signe quant à la qualité d’un projet. Il a vraiment tourné en boucle au sein de la rédac, au point que choisir une seule focus track s’est révélé tâche ardue.
Focus track : Phalanges bleutées
Sur une instru à la Griselda, Caba enchaîne les rimes et les flows super pointus, rappelant qu’il est tout simplement l’un des rappeurs francophones les plus techniques.
12 – Roseboy666 – Prettiest Loser (ICI)
Les projets de beatmakers, c’est toujours un cadeau pour la rédac de LREF, mais celui de Roseboy666 était une telle réussite que certains sons du projet se sont retrouvés dans les tops annuels de plusieurs membres de la rédac.
Concentré des meilleurs talents de la nouvelle scène rap fr, avec par exemple Khali, Babysolo33, ou AnNie.Adaa, et même en dehors avec The Pirouettes ou Johnny Jane. Sur Prettiest Looser, Roseboy666 vient lier les styles et univers de tous les artistes avec brio, transcendant les genres pour ne parler qu’à nos émotions.
Sur le fil rouge des ruptures et autres douleurs d’amour, le projet se déploie sur différentes vibes, toutes abordés avec subtilités. Roseboy habille le projet avec des mélodies de haut vol, qui restent toutes en tête, sans en sortir… Décidément, il entre dans la catégorie maitre des earworms, comme dirait nos amis américains : ces mélodies et refrains si entêtants qu’on ne peut s’en débarrasser (traduction explicite…)
Artiste de l’écurie avant-gardiste Jeune à Jamais (Wit., Ucyll & Ryo, zuukou mayzie, BabySolo33, …), Roseboy et son équipe ont mis un soin tout particulier à l’esthétique du projet : une cover vert acide qui attire notre oeil, et des clips OVNIS, des petits bijoux un peu perchés, mais totalement addictifs.
Focus Track: Voeux avec le génial Simili Gum est un diamant musical : une vraie claque qu’on a réécouté en boucle toute l’année, dans n’importe quelle humeur ou occasion…. Si, si on vous rassure, on garde moral…
11 – Jean Jass – Doudoune en été (ICI)
L’année dernière, Jean Jass faisait son grand retour en solo avec Hat Trick. Un album décevant, dans lequel un JJ peu inspiré lyricalement faisait des tentatives de singles un peu plus ouverts, afin de surfer sur le succès de la mixtape High & Fines herbes, sans qu’il ne trouve vraiment son public. En 2022, face à ce relatif échec, et comme un bon nombre de rappeurs, le rappeur belge a décidé de revenir aux bases du rap pur et dur avec son nouvel album, Doudoune en été.
Et bien lui en a pris : on retrouve ce rappeur au flow nonchalant, aux placements millimétrés et aux punchlifes incisives, qui sait tout aussi bien faire des gros morceaux de rap remplis de punchlines (Truman show), comme des story-telling (S&L) ou des morceaux introspectifs et touchants (Premier jour). Côté featuring, on est bien servis, avec notamment un Youssoupha et un Jazzy Bazz en grande forme. Surtout, l’album fait 10 titres, ce qui donne assez de matière pour être consistant, mais sans qu’on ait le temps de s’ennuyer. Un exemple réussi d’album court, que d’autres rappeurs seraient bien inspirés de suivre.
Focus track : Je glisse
La prod, un sample de jazz mélangé à une rythmique trap, offre un parfait écrin à un JJ qui vient rapper des phases à la fois egotrip et introspectives, avec un flow un peu désabusé qui lui sied parfaitement. Un petit bijou qui donne envie d’être écouté et réécouté en boucle.
10 – Lesram – Wesh Enfoiré (ICI)
Cela fait une bonne dizaine d’années que Marcel Valty promène ses multisyllabiques d’open-mics en studios, en salles de concert, aiguisant sa plume et engrangeant les bonnes relations. Pilier de LTF et de Panama Bende, Lesram fait partie de la nébuleuse d’artistes parisien.ne.s qui, dans le sillage de L’Entourage, ont su proposer du neuf en puisant dans le vieux, dès le milieu de la décennie passée. Capable de marier les descriptions mobb-deepiennes à des type-beat JuL, Lesram a mis un peu de temps avant de trouver une direction artistique cohérente, mais l’album Wesh Enfoiré laisse penser que c’est désormais chose faite.
Épaulé par quelques gros noms qu’il connaît de longue date (Nekfeu, Alpha Wann, PLK), Lesram a su monter en puissance tout au long de l’année 2021, avant la sortie réussie de son premier long format en avril dernier. Entre rimes incisives et productions de grande qualité, Wesh Enfoiré confirme le MC du Pré Saint-Gervais dans ses talents de conteur, d’observateur, de dénonciateur. Un projet qui fait du bien à nos oreilles et qu’on attendait avec impatience. Pas déçus, on en redemanderai même encore…
Focus track : si on retient Survivant comme morceau marquant sur cet album, c’est qu’il est peut-être celui qui « ambiance » le plus sur un opus résolument sérieux. C’est aussi une manière de saluer le très beau travail réalisé sur Wesh enfoiré par Mehsah, à l’origine de trois prods de riche facture.
9 – Prince Waly – Moussa (ICI)
En tant qu’amateurs d’art, on tremble forcément un peu à l’idée d’écrire sur Moussa. On sait le soin apporté par Fifou et Prince Waly sur la pochette de l’album et ses significations ; on sait l’importance de ce projet pour son auteur ; on sait, enfin, le choix méticuleux des prods et des couplets. Surtout, on connait le parcours de Prince Waly, dont tous les détails infusent dans sa musique : son ascension compromise par son cancer, les trois années de lourde thérapie ou encore l’amour de sa compagne, Enchantée Julia, sans qui les épreuves auraient été encore plus complexes pour lui, on le devine.
L’album est dense, beau et bien ficelé, et tire sa force à la fois de la maturité de Prince Waly dans ses choix artistiques et son écriture que dans la volonté d’étendre sa palette musicale. Il est resté le grand découpeur que l’on connait, sur des morceaux comme Waligator, Rottweiler ou Balotelli. Mais il a continué à travailler sur sa voix, sur son flow et ses placements. Surtout, il a l’intelligence et la créativité nécessaire pour tirer le meilleur de la plupart de ses invités : le sublime Bleu avec Feu ! Chatterton en atteste, tout comme Problème avec Makala et Luidji (quel casting !).
Pour ceux qui ne connaissent pas Prince Waly, Moussa est la plus belle porte d’entrée sur sa discographie, faisant la synthèse de ses talents, en allant plus loin encore. On y sent ses tourments personnels, notamment sur l’outro, mais aussi ses qualités d’artiste, et sa volonté de faire les choses bien. Comme il le dit dès l’intro : « Je suis venu apporter ce qui est à ma portée ». Faire ce qu’on peut, mais le faire bien. Voilà Moussa.
Focus track : Il faut absolument écouter Balotelli. Oui, inviter Freeze Corleone peut sembler facile pour faire vendre, et satisfaire la passion du public pour le sulfureux et provocateur. Mais là, la démonstration de force est impressionnante. Le morceau gronde, vrombit comme un moteur de voiture. Toutes les références surgissent, évidentes quand on connait les deux MCs : « on écoutait Mauvais Oeil avant d’aller prier / Faux n*ggros dans Guerlain, va falloir les trier ».
Et surtout, cette phrase annonciatrice de Prince Waly : « envoyez le feu : on est bon qu’à ça ». Tout est là. Freeze Corleone n’est d’ailleurs pas en reste, au contraire. Son couplet tranche la prod, et évite les commentaires complotistes pour se plonger dans son amour de la numérologie et des homophonie. Du (très) grand rap.
8 – Couleur de ma peine – Zamdane (ICI)
Premier vrai album studio de Zamdane, Couleur de ma peine est une pépite. Sorti au début de l’année dernière, le projet a su vivre toute l’année et a intégré le top 10 de notre rédaction malgré la vive concurrence. Après plusieurs années à se chercher et à peaufiner son style, Zamdane a passé un cap avec ce projet, aussi technique que touchant.
L’album invite les auditeurs à venir découvrir l’univers du rappeur franco-marocain : une voix granuleuse et singulière, de la mélodie et des textes mêlant l’Arabe et le Français. Zamdane délivre une proposition musicale sincère et authentique, qui lui ressemble. Ainsi, nous voyageons dans son passé, guidé par une folle envie de liberté.
Le rappeur marseillais se confie de manière poétique ou parfois même brutale, mais toujours avec un talent de la rime frappant. L’album est centré autour de concepts personnels, mais finalement très universels : de la mélancolie, de l’amour, de l’espoir et de la douleur. Avec Couleur de ma peine, Zamdane nous a touchés et nous sommes impatients d’écouter la suite, qui promet d’être passionnante…
Focus track : Le monde par ma fenêtre. C’est sûrement le morceau qui décrit le mieux la proposition musicale de Zamdane : touchante et pure. Il y confie ses réflexions, ses inquiétudes et sa vision du monde qui l’entoure.
7 – BabySolo33 – SadBaby Confessions (ICI)
Vous n’avez sans doute pas échappé au raz-de-marée couleur rose-lila qui a marqué la fin d’année 2022, accompagnant la sortie du premier album de BabySolo33 au mois de novembre. Un projet très attendu, à raison, trois ans après la sortie de Solo2019 de l’artiste originaire de Bordeaux. S’il s’intitule SadBaby Confessions, ne vous fiez pas trop aux apparences tant BabySolo33 joue avec les codes, entre petite go fragile-fleur bleue et meuf badass bien entourée par une équipe de boss bitches.
SadBaby Confessions est à l’image des Têtes Brûlées qui ont, sans aucun doute, marqué l’enfance de certain.e.s d’entre nous : déroutant au premier abord, un brin piquant, très acidulé, tout juste sucré et puis addictif, réveillant une nostalgie étrange et savoureuse.
Pas évident de faire bouger les lignes d’une scène rap française féminine tantôt libératrice, tantôt carcan. D’un revers de main manucurée, BabySolo33 envoie tout valser avec une proposition musicale innovante et une esthétique millimétrée, tout droit sortie des années 2000. Dans ce projet aux allures de journal intime, l’artiste se confie au fil de textes presque naïfs, mais ultra-référencés. Se croisent entre autres Kelly Rowland, Buffy contre les Vampires, une Puff parfum raisin ou encore l’incontournable Jerry. Une des grandes forces du projet, sa cohérence et ce malgré la présence de bon nombre de beatmakers (Kamanugue bien sûr dont nous vous parlions il y a peu ICI, mais aussi King Doudou, Sun Jun, Bricksy et 3G…). À l’aise aussi bien sur des nappes de synthés planantes aux accents cloud (Tout pour le Woohp) que sur des instrumentales plus trap (Jenny) ou des ambiances R’n’B (BFF <3), BabySolo33 met la barre haut avec ce premier album. BBS on t’<3.
Focus track : LnlyBby un titre qui ne donne envie que d’une chose, une ride nocturne qui dure toujours sur une MBK BOOSTER. Go MP xoxo.
6 – Josman – M.A.N (Black roses & Lost feelings) (ICI)
Avec un meilleur travail artistique que sur ses précédents albums, notamment pour les clips, et en s’entourant de grand créateurs musicaux (Laylow, Sofiane Pamart entre autres), Josman nous livre ses angoisses et nous présente un monde qui est en train de mourir dans un projet abouti. Avec la pochette en noir et blanc, on comprend que la sensualité et le rôle de gentleman que le rappeur incarnait dans ses anciens projets se transforme en un plongeon dans la fatalité. Il revient souvent sur l’opposition entre l’amour et la haine (jeu de mot avec le titre Peace Haine Love) et se sent bloqué dans le mal : « pourquoi ma plume est si triste », « pas d’humeur à la fête » ainsi que le titre du son Fiesta barré. Il parle également beaucoup de l’argent « tout pour la monnaie », de l’alcool et de l’herbe.
L’écriture est profonde, toujours très travaillée avec des rimes. Ce qui rend l’album particulier, ce sont les changements de rythmes dans un même son (ex : 3ein/Risotto Gambas) mais aussi entre les différents titres. Aucuns sons ne se ressemblent, on trouve plusieurs styles. Les transitions entre les sons sont réfléchies (ex : Fiesta et Mort ce soir, qui ont même été rassemblées dans un clip).
Josman essaie tout de même de s’échapper de ce néant, avec des sons à l’atmosphère plus détendue (feat avec Guy2bezbar) et un retour à l’amour (Vaccin et Ma Lady)
Focus Track : Le titre Mort ce soir représente bien tout l’espoir perdu de Josman. Comme l’indique le titre de son album Black roses & Lost feelings, ses sentiments se sont perdus, « toutes les fleurs seules se fanent ». C’est la tristesse qui prend le dessus.
5 – Disiz – Amour (ICI)
Disiz, Disiz La Peste, Disizilla, nombreux sont les visages qu’a embrassés au cours de ses vingt ans de carrière le rappeur Disiz qui a explosé aux yeux du grand public avec son dernier album Amour. Un projet clivant, il faut bien l’avouer, qui, s’il a déçu certain.e.s fans de l’artiste et de sa carrière rap, a démontré si c’était nécessaire la capacité de l’artiste à se renouveler.
Il en a fait du chemin depuis son premier album, Poisson rouge dans lequel la dénonciation de la détresse sociale répondait au clic d’une détente que l’on presse entre deux descentes de police. Une carrière riche, une dizaine d’albums, des virages artistiques et beaucoup de travail plus tard, Amour dessine un Disiz comme réconcilié avec lui-même. Avec son parcours aussi. Il faut dire que sa vie a assurément changé depuis ses premiers pas dans le rap hexagonal. Amour, c’est album chaud, aux tons crépusculaires et irisés qui racontent l’Amour avec un grand A et toutes les émotions qui l’accompagnent, ses revirements, son lot de peine et sa quête perpétuelle, jusqu’à l’apaisement.
En somme, un projet qui fait du bien. Si l’écriture unique de l’artiste demeure, les tonalités se font tour à tour pop, R’n’B voire proches de la variété, tranchant avec la verve incisive qui l’a fait connaître. Une direction que l’artiste avait déjà esquissé dans le magnifique projet Pacifique paru en 2017. Derrière la richesse musicale du projet, on retrouve, entre autres, le beatmaker LUCASV, collaborateur de longue date de Disiz qui a définitivement trouvé sa patte. Dans son sillage, Disiz accompagne depuis cette année des artistes très prometteurs dans le cadre de son label récemment créé, Sublime, tels que Rounhaa ou Luther. La relève est assurée.
Focus track : WEEKEND LOVER pour sa vibe dansante et irrésistible même si la tromperie c’est nul. Un plaisir coupable définitivement.
4 – HJeuneCrack – 3e Cycle (ICI)
Au début de l’automne, HJeuneCrack jette un pavé dans la marre avec le single et clip de Vrai Crack. Avec ce premier single de 3e Cycle, le rappeur clôture une trilogie qui le met définitivement sur le devant de la scène du rap français actuel.
Avec un joli pied de nez à Fausse Cocaine, le morceau marquant le début de ses Cycles, démarrés en 2021, HJeuneCrack marque un tournant et passe un nouveau niveau. Sans perdre de ses recherches mélodiques et ses expérimentations rythmiques, avec Esone, notamment, c’est sa plume qui nous met une claque. Ses rimes sont affûtées avec soin et minutie, chaque phase devient punchline, d’apparence simplistes, mais toujours drôles, piquantes, et surtout percutantes.
Derrière une certaine nonchalance, HJeuneCrack dévoile sur ce 3e Cycle, toute sa précision et sa technique, teinté de candeur et de fraîcheur. Un mélange qui fait du bien, et qu’on a envie de continuer à écouter pendant des heures…
Non content d’être en replay dans nos playlists, le rappeur a également soigné ses prestations sur scène, avec des lives qui montent en qualité à chaque fois. Bouillant au Grunt Festival, il était au top lors de son concert au FGO Barbara : sans playback, il a tenu en haleine toute la salle jusqu’au bout, avec minutie et énergie. Malicieux, enthousiaste et incisif, HJeuneCrack est l’un des rappeurs émergents qui nous a le plus fait plaisir ces deux dernières années…
Focus track : Évidemment, il faut absolument écouter Vrai Crack. Mais, ce n’est pas la seule pépite du projet, et on ne peut que vous citer cette phase pour vous donner envie d’écouter 3 meufs :
“J’taffe dans mon coin pour les semer
Eux ils croient que j’dors, non mais je rêve ?
Gros tu sais pas comment j’suis déter
Premier concert j’avais plus de voix au bout de trois sons, pourtant j’l’ai quand même plié ! “
Roulement de tambour …
Place maintenant au top 3 de la rédac !
3 – Rounhaa – Möbius
Souvent, le temps fait office de révélateur et use de son pouvoir pour plonger dans l’oubli ou propulser sur le devant de la scène des œuvres sans jamais que l’on sache vraiment pourquoi.
Pour Rouhnaa et son Möbius, les six derniers mois écoulés ont été bénéfiques. Ils ont permis à notre rédaction de prendre un peu plus le temps d’écouter, d’apprécier et de comprendre ce joli projet. Et c’est avec surprise que ce premier album a gagné en estime et en affection pour passer d’une dixième place ex æquo au Top album du Premier Semestre 2022 (à lire ICI), à une médaille de bronze sur l’année entière. On vous évite une nouvelle critique, afin de ne pas être redondant. Mais vous pouvez retrouvez celle-ci dans l’article de septembre ICI.
Tout de même, en deux mots : les variations de Rouhnaa autour du thème de la tristesse sont une réussite autant lyricale, que musicale et Möbius n’est, à n’en pas douter, la plus réussie des sorties de Rouhnaa à ce jour. Sans même parler de ses prestations lives, qui nous ont toutes bluffées…
Focus track : Music sounds better with you. Et oui pourquoi changer ? L’album sonne mieux avec ce titre (quel track incroyable, vraiment !)
2 – BEN PLG – Réalité rap musique
Ben PLG aurait pu laissé en 2022 pour seul souvenir à l’auditeur moyen du rap français sa non-sélection par Shay lors du programme Nouvelle école.
Bien entendu, sa non-sélection relève d’une erreur manifeste d’appréciation et n’enlève rien à la qualité du rappeur. Mais fort heureusement, ce revers n’a pas freiné le run entamé par ce dernier. Ben PLG a délivré au court de l’année 2022 trois courts EPs. Un triptyque intitulé réalité rap musique 1,2,3. Certes cette productivité n’est pas comparable à celle effréné d’un So la Lune, mais il convient de la relever car elle témoigne d’une réelle ambition.
Alors que ressort-il de ce triptyque?
Une entrée vive dans le quotidien et les affres d’un enfant du prolétariat, les difficultés inhérentes aux zones exclues et la conscience sociale qui en découle (sueur et sang ou Riche avec un style de pauvre). Le rappeur conte sur ces différents projets, son impression d’enfermement, la vie morose « le bonheur en Condi’ la grisaille en ferme », le besoin d’éloigner les murs quitte à les dynamiter, et la présence constante et menaçante du malheur qui rôde sans cesse.
Cette pesanteur et grisaille nourrissent pourtant le feu et la détermination qui habitent le rappeur, que l’on ressent bien sur la pluie après l’orage. Les rimes touchantes s’entremêlent avec la verve et la rage du rappeur qui, sans faiblir, sans fards ni apparats offre une photographie du réel, depuis son point de vue. Si, ces 24 titres permettent au rappeur de rapper ou chantonner les nuances de sa réalité, ces nuances concernent tant le fond abordé dans les précédentes lignes que la forme.
Pour ce qui concerne la forme, le rappeur démontre sa versatilité, capable de rapper sur une instrumentale type « rap marseillais » (Demain ça ira), ou de type plus hybride, comme sur Arrête de crier sur ta meuf, et d’autres plus trap. Il faut aussi souligné les collaborations présentes sur ces projets (Soso maness, Bakari, TK) pour comprendre la variété de la proposition musicale de Ben PLG.
Finalement l’année 2022 de Ben PLG pourrait se résumer par l’art de perdre et gagner à la fois. Le rappeur a offert un aperçu de son talent au cours de l’année écoulée et fera assurément partie des rappeurs qui feront l’actualité rap en 2023 s’il poursuit sur sa lancée.
Focus track : Les voix dans ma tête , ce morceau illustre à lui seul la raison d’être des lignes ci-dessus.
1 – Jazzy Bazz – Memoria
Quatre ans après son dernier album solo, un an après son projet commun avec EDGE et Esso Luxueux, Jazzy Bazz revient sur le devant de la scène. En plus de réaliser une grande introspection, il s’entoure d’artistes de renoms qui comme lui maîtrisent l’art du rap : Alpha Wann, Josman, EDGE, Nekfeu ou encore Laylow. Ces feats sont très réussis et ont atteint des millions de streams.
Memoria, signifiant « mémoire » en latin et dans la langue des origines de l’artiste (Italie et Argentine), est comme un retour dans ses souvenirs et un clin d’œil à ses racines, comme en témoigne la couverture de l’album qui représente le flou des pensées, ainsi que le titre Albiceleste en référence au nom de l’équipe de football de l’Argentine. L’album commence d’ailleurs par cette phrase : « Au fil de la nuit, j’revois le fil de ma vie ». Le rappeur revient sur son vécu.
Les paroles sont tantôt sombres, tantôt pleines d’espoir. Jazzy Bazz se questionne en profondeur. C’est notamment ce côté humain qui nous a séduit et qui a placé Memoria au sommet de ce top. Son témoignage est à la fois personnel et universel, par exemple quand il fait référence à la mort dans Memento Mori qui veut dire « Souviens-toi de la mort ». Les instrus restent assez simples, mais le solo de saxophone dans .RAW Spleen et la musicalité particulière de Arkham Anthem pimentent l’album. De nombreuses voix en écho apparaissent dans les sons, pour renforcer ce côté « souvenir ».
Focus Track: Il est très difficile n’en choisir qu’un. Extrêmement difficile ! Mais celui qui représente le mieux l’album est pour nous Cœur, Conscience. Il résume la manière d’écrire de Jazzy Bazz et tous les sujets qu’il aborde. Le rap est un peu comme une thérapie qui sort de lui-même et qu’il suit seul, car il a du mal à faire confiance à l’humanité des autres.