C’est un projet qui démarre sur les chapeaux de roue. Résilience Vol.2 d’Ekloz s’ouvre sur le dynamique Burn Out, rythmes électro et égotrip à fond. Format plus long que le premier volume sorti en 2020, cet EP de la jeune rappeuse de Montpellier est constitué de 7 titres. De quoi servir de carte de visite musicale pour qui voudrait se pencher sur cette artiste émergente.
Si la carrière de la rappeuse est encore jeune, elle n’en est pas à son coup d’essai. Avant ce projet, elle avait déjà sorti Résilience en 2020 donc, mais aussi Dimension en 2019, accompagné du morceau éponyme qui est, à ce jour, son plus gros succès sur YouTube. Le clip, très soigné, vaut d’ailleurs le détour.
Porte ouverte sur la carrière de l’artiste, ce Résilience Vol.2 est aussi un bon moyen d’entrer dans le rap montpelliérain, et d’appréhender ses étroites connexions avec le rap héraultais en général. Intéressant en effet de découvrir une scène par une artiste encore peu exposée, pour y voir les traits saillants de ce qui fait – ou non – les spécificités du rap de Montpellier.
CV musical : toute une palette de styles
Ce qui frappe d’abord lorsqu’on écoute Résilience Vol.2, c’est que le projet démontre plusieurs directions artistiques assez différentes. On y trouve de l’égotrip, chose que la rappeuse savait déjà bien faire sur ses projets précédents, et qu’on a ici sur Burn Out et sur Le Pari. Mais on trouve aussi des morceaux plus « sentimentaux » et dansants, comme Eclipse et De tek. Ekloz ramène aussi des chansons tristes, comme angoissées, sur ce disque (notamment Tonnerre et surtout Dernière Scène).
On retrouvait déjà cette idée d’un projet plutôt éclectique dans Résilience, mais là c’est encore plus clair et appréciable. A travers ce nouveau projet, Ekloz montre aussi une palette de techniques vocales. Elle alterne entre les flows assez techniques – qualité qu’elle avait déjà sur le morceau Dimension – les phrasés construits autour de toplines comme avec le refrain du Pari, et les refrains très chantés.
Parler de qui on est : « femme avant artiste » (Averse)
Ce qui marque également quand on écoute les projets d’Ekloz – et notamment Résilience Vol.2 – c’est à quel point elle n’hésite pas à s’y dévoiler, à mettre en musique sa vie. Sans être une simple autobiographie non plus, on sent une vraie volonté de mettre du réel, du concret dans la musique de la rappeuse.
Sa carrière personnelle déjà, qu’elle évoque à travers ses déboires, ses échecs, ses inquiétudes. C’est ce que l’on retrouve dans les morceaux Dernière scène et Averse. Ce dernier morceau était déjà présent dans sa version originale sur Résilience, et on le retrouve sur ce nouveau projet dans une belle version acoustique.
Mais Ekloz, ce n’est pas que cela : c’est aussi évoquer ses questionnements amoureux, son parcours créatif, son quotidien… En somme, parler de la vie vécue, la vraie, sans fioritures. Une impression d’un rap «sincère» donc, presque intime. Et cette expression de soi à travers la musique, cela passe chez la rappeuse par des tonalités féministes, engagées, qui font plaisir à entendre.

Sur Tonnerre elle rappe : « Tu seras digne d’être un homme, mais t’as pas droit au doute. Va droit dans l’mille : quand tu baises une meuf faut qu’elle crie sa mère, c’est l’indicateur quand elle kiffe sa mère ; Mais non n’ai pas peur, elles sont toutes les mêmes ; puis en cas d’problème, tu veux que qui s’ramène, hein ? ». Le ton de sa voix et les sonorités de la mélodie viennent souligner la force de ses propos, qui semblent gronder comme ce tonnerre qu’évoque le titre du morceau.
De même, elle évoque dans ce morceau les « carcans » du rap et de la vie, « celle qu’on subit sans s’en rendre compte ; celle qui sévit sur nos balcons, nos écrans ». On apprend vite, à travers Résilience Vol.2, à tracer un portrait – certes incomplet – de la rappeuse, à travers les sujets qu’elle évoque. Une bonne entrée en matière pour la connaître davantage donc, d’autant plus lorsqu’elle évoque des sujets peu médiatisés : « Le problème c’est qu’on nous met dans des cases : j’ai pas trouvé la mienne à la CAF. J’imagine pas ce qu’un gamin trans doit ressentir, faut songer à modifier le cadre ». On sent ainsi une importance particulière de ces sujets liés à l’inclusivité dans sa musique .
Engagée, en ce sens, Ekloz l’est. Son style, ses thèmes et son rap évoqueront d’ailleurs à certain des figures comme Keny Arkana (pour l’aspect plus engagé), mais également celui d’un rappeur comme Demi-Portion (sur le ton parfois décalé, posé, chantant). Et cette filiation n’est pas anodine, puisque ce dernier a déjà apporté publiquement son soutien à la jeune artiste, aidant à la faire connaître localement, et faisant sa promotion dans la scène de Sète. Des influences intéressantes donc, et dont l’auditeur averti saura trouvé les traces à travers Résillience Vol.2.
Transporter son spleen en terres montpelliéraines
L’autre aspect qui marque le rap d’Ekloz, c’est son attachement au sud, et notamment à sa ville, Montpellier. Elle qui a grandi à Sète, qui a été à l’école Calandreta – des écoles spécifiques franco-occitan qui valorisent grandement l’expression de soi et la créativité – et qui évolue dans la scène musicale de Montpellier, semble très attachée à sa région et au territoire occitan.
On le retrouve déjà dans ses lyrics, puisqu’elle dit apparaître « à l’heure où les cigales se taisent ». Et puis, symboliquement, le sud est partout, du fait d’un champ lexical lumineux très présent : éclipse, lueur, soleil, autant d’évocations – peut-être involontaires – du climat méridional. Cela se ressent aussi, tout simplement, du fait des accents que prend parfois la voix de la rappeuse et de ses proches rappeurs, comme Petitcopek, présent sur Eclipse dont l’accent se ressent dans sa mélodie vocale. A cela s’ajoutent certaines instrumentales, plutôt chantantes, avec des airs de guitare, qui rendent bien cet état d’esprit occitan.
La filiation avec le sud se voit également dans les références qu’apporte Ekloz dans son rap. Au détour d’un couplet sur Eclipse, elle cite ainsi Demain c’est loin, morceau iconique d’IAM sur L’école du micro d’argent, album et groupe non moins iconique de Marseille. Des connexions qui s’étendent donc au-delà de Sète, au-delà de Montpellier et de l’Occitanie, pour celle qui dit vouloir « une baraque comme le Parthénon » (sur Fureur, présent sur Dimension).
Et c’est pour ça qu’il peut être intéressant d’entrer dans le rap de Montpellier par Ekloz. Déjà, parce que ses références musicales, culturelles et thématiques vont piocher dans son vécu, dans la culture occitane, et reflètent donc la diversité et la richesse de ces espaces géographiques. Mais aussi parce qu’elle porte le témoignage, unique, singulier, d’une femme – qui plus est, ouverte sur les questions d’inclusion et d’intersectionnalité – évoluant dans le milieu musical indépendant, dans une ville encore trop méconnue pour sa scène rap.
Ekloz : artiste à découvrir
Voilà donc, en quelques mots, une première approche de cette jeune rappeuse de Montpellier, au vécu et au style singulier. En guise de conclusion, on ne peut que vous encourager à découvrir son projet Résilience Vol.2. Et après, à continuer vos recherches en écoutant ses deux précédents projets. Certes, Résilience et Dimension sont bien plus courts, mais ce sont plus des projets de début, qui donnent un avant-goût des capacités de la rappeuse.
Mention spéciale au projet Dimension, qui dévoilait – à notre sens – le mieux la technique de la rappeuse, peut-être légèrement moins présente sur les deux projets suivants.
Bien sûr, il reste une marge de progression sur chaque morceau, mais il faut bien commencer quelque part. Si vous souhaitez soutenir le rap indépendant, les petits projets, les artistes encore confidentiels, n’hésitez pas, foncez découvrir Ekloz. En plus de ses attaches occitanes et montpelliéraines – qui sont notre préoccupation éditoriale au cœur de cette semaine dédiée au rap de la ville – elle propose une trajectoire musicale et personnelle intéressante, partageant ses préoccupations politiques, féministes, inclusives et sociales.