Beauregard 2023, c’était près de 150 000 festivaliers faisant la route jusqu’au domaine éponyme, à côté de Caen. Pourquoi venaient-ils ? Pour un condensé de têtes d’affiche, que ce soit dans le rock (Indochine, Royal Blood, Sting, Alt-J, Shaka Ponk), le hard rock et le metal (Perturbator, Airbourne), la pop (Angèle, Jain, Pomme, Suzanne), l’électro (Irène Drésel, Vladimir Cauchemar, Boys Noise), et évidemment le rap. Cette année, l’écosystème francophone y était (particulièrement bien) représenté entre autres par Gazo, Damso, Hamza, Leto & Guy2Bezbar, Tiakola, PLK et Lomepal. Tout un programme donc, qui s’étalait sur 4 jours, en plus de la soirée spéciale autour d’Indochine le mercredi.

Comme un bijou, Beauregard n’est d’ailleurs pas dissociable de son écrin, le domaine du même nom. Il s’y niche un joli château de style troubadour, une architecture normande typique du XIXème siècle – les amateurs de patrimoine en ont déjà pour leur argent. Visible surtout depuis la scène Beauregard, l’une des deux du festival, le monument singularise véritablement ce lieu fort sympathique.

Cette année, c’est aux samedi et dimanche de Beauregard que nous nous sommes rendus. L’occasion d’un retour avec nous sur ces deux jours de concerts, de plaisir et de soleil – et de pluie, Caen oblige.
Jour 0. Vendredi 7 juillet, 21h30-3h, la découverte du camping
Parce qu’à LREF nous sommes des journalistes de terrain – et qu’on adore le camping – on a décidé d’essayer celui de Beauregard dès le vendredi soir. Ce qui marque d’abord, c’est la proportion des personnes qui s’y installent pendant le festival : si le festival n’accueille pas moins de 30 000 personnes journellement, au camping ce sont quelques 2 000 acolytes qui se retrouvent pour discuter, échanger, et surtout dormir. La deuxième surprise (et légère déconvenue), c’est le trajet entre le festival et le camping. En effet, il faut traverser le pont de Colombelles et et marcher le long de la départementale pour y accéder, ce qui est légèrement désagréable sans être pénible.
Des festivaliers entendus vers 3h du matin, sur le camping.« on est pas fatiguééé ! On est pas fatiguéééé !
[son pote] – Si on est fatigué en fait. On va dormir quand même ».
Si cette tranquillité peut étonner sur un camping de festival, que l’on associe plus à la fête jusqu’à 7h du matin, cela n’en est pas moins agréable. Surtout que le matin, il règne une sublime ambiance lorsque tout le monde se réveille. En effet, c’est un moment de convivialité entre tous ces voisins éphémères qui s’éveillent. Les premiers concerts ne débutant qu’à 15h, cela laisse du temps : un petit-déjeuner au bar du camping – dans un espace détente très bien pensé ! – , des rencontres, des jeux de société disponibles gratuitement… Tout pour passer un superbe moment. Beauregard propose aussi un kiosque nommé avec justesse Le Dépanneur. Comme son nom l’indique, où l’on peut y acheter vêtements, brosse à dent, serviette etc. soit tout le nécessaire pour être à l’aise sur le camping.
Jour 1. Samedi 8 juillet, 15h30 : à la découverte de Beauregard
Après avoir récupéré nos pass presse dans l’espace dédié, on s’est immédiatement rendu sur le festival. Pas de temps à perdre, il fallait tout découvrir, tout écouter. Et c’est – globalement – ce que l’on a fait pendant deux jours. Dès notre arrivée, on a agréablement constaté que Beauregard cherchait à montrer son ancrage local dans ses stands. Cela passe notamment – mais pas uniquement – par la gastronomie. Cidre, fromages de Normandie, fruits de mer : tout un éventail de petits plaisirs à déguster est à disposition des festivaliers, gratuitement ou non. Mais la découverte du terroir n’est pas la seule attraction extra-musicale du festival. Une grande roue par exemple, impressionnante et très belle de nuit, trône également à ses abords, pour ravir qui le voudra.

On a également flâné entre deux concerts au petit chapiteau du Studio, espace dédié en grande partie à la danse et aux activités culturelles. Le samedi, on a notamment assisté aux battles de danse organisées, jolie réussite très divertissante. Mais admettons le : nous étions là pour les concerts, tous les concerts, rien que les concerts – mais surtout ceux de rap.
Jour 1. Samedi 8 juillet, 18h15 : Leto& Guy2Bezbar, jusqu’aux étoiles ?
On ne pense pas avoir à vous présenter ces deux pros des chartes que sont Leto et Guy2Bezbar. Entre leur album commun Jusqu’aux étoiles – pour lequel ils se produisent cet été – et le nombre de leurs feats avec l’ensemble du game, difficile de passer à côté de ces têtes d’affiche. D’ailleurs, ce n’est évidemment pas la première fois que l’on voit un duo émerger dans le rap français. Caballero & JeanJass, Casseurs Flowters, Lunatic… Les exemples sont légion. Mais en pratique, la chose est beaucoup plus rare sur scène. Hormis les groupes bien établis, les tournées de ce type sont moins fréquentes. On se souvient des rumeurs d’une tournée commune entre Hamza et SCH, qui si elle semblait crédible au vu de l’album commun en préparation, a été avortée du fait du contexte sanitaire de 2020.
Intéressant donc de voir ce duo se produire sur scène, dans une formation qui n’est pas si commune dans le rap français. Et justement, c’est la première chose qui frappe lors du concert, la question de la complémentarité. A des moments, les artistes font de parfaits passe-passe ; à d’autres, ils se laissent chacun de la liberté de dérouler leurs couplets respectifs. En résumé : un sans faute. Malgré le fait d’être programmé en début en soirée – chose pas toujours aisée pour les artistes – ils ont su conquérir le public, et dérouler un set classique et régulier.
Et alors qu’on partait pour d’autres ambiances musicales à la fin du concert, les fans les plus assidus, eux, sont restés au premier rang, afin d’attendre Lomepal. Nous on est revenu quelques heures plus tard, après avoir vu la désormais très pop/folk Jain, et le toujours émouvant Alt-J. Pensez à écouter leur morceau Matilda à l’occasion.
Jour 1. Samedi 8 juillet, 23h35 : Lomepal, dans les rangs des pop-stars françaises
Si nous avons assisté au concert de Lomepal, nous estimons à LREF qu’il n’est pas souhaitable que nous nous étendions dessus, du fait des accusations de violences sexistes et sexuelles qui sont faits à l’encontre de l’artiste. Pour en savoir plus, vous pouvez suivre ce lien.
Jour 2. Dimanche 9 juillet, 18h10 : la machine à danser « Tiakola »
Avant de dérouler notre argumentaire, on sait que l’on se doit de répondre à une question : est-ce que Tiakola, c’est du rap pur et dur ? Sûrement pas. Est-ce que c’est du rap tous court ? Les fans d’Hugo TSR diront sans doute que non – mais au vu de leur contingent limité, force est de constater que leur avis est loin de faire l’unanimité. (Même si attention, leurs rangs comptent tous de même Nekfeu et quelques irréductibles).
Pour clore le débat, Tiakola était présent aux Flammes, cérémonie des cultures populaires, aux côtés d’autres rappeurs présents à Beauregard : Gazo, Damso, Hamza… Il appartient donc à cette « grande famille » qu’on aime et qu’on représente ici – oui l’argument est léger, mais laissez nous écouter Gasolina en paix.
Ce qui marque d’ailleurs, c’est à quel point Tiakola est devenu, en moins de deux ans, un des rappeurs les plus aimés de France. Comme le notaient déjà Mehdi Maïzi, Sandra Gomes et Raphaël Da Cruz dans le Code Review consacré aux Flammes, c’est vraiment un des hommes les plus adorés de cette dernière année, du fait d’une aura indéniable.
Et en matière de concert, cette adoration populaire envers le chanteur français est incontestable. Dès son arrivée, Tiakola est accueillie par des cris de plaisirs et d’hystérie, l’attente et le plaisir du public explosant d’un coup. Foule galvanisée jusqu’à la moelle et refrains scandés à tue-tête, c’est une vraie déflagration de joie qui s’est déclenchée à son arrivée. Cette amour qu’ont les fans pour Tiakola s’incarne également lorsqu’il fait les tubes que sont Gasolina ou Meuda. C’est là qu’on perçoit son importance pour toute une partie du public : Tiakola est indéniablement une tête d’affiche. La suite du set, bien que bien réalisée, reste relativement classique, Tiakola n’apportant pas de modifications majeures aux morceaux de base. Mais ne boudons pas notre plaisir, c’était superbe.
Le dimanche, c’était aussi un enchainement intensif de concerts, donc on a directement filé après Tiakola, rejoindre nos collègues journalistes spécialisés en hard rock pour Airbourne, et leur show pour le moins alcoolisé – c’est, en résumé, un jet régulier de verres de bières dans la foule et dans les gosiers des musiciens. De quoi relativiser l’étrange sagesse de nos rappeurs sur scène, peu enclins à boire ou à casser la moitié des instruments comme on faisait d’antan – du moins c’est ce que nos pères nous ont dit. Mais après cette pause forte en torse nus, en guitares et en batterie sauvage, on est retourné au rap avec PLK.
Jour 2. Dimanche 9 juillet, 20h20 : petit polak est devenu grand
Moins de trois mois nous séparant alors de la sortie de son dernier projet 2069’, PLK était très attendu à Beauregard. En effet, notre rappeur polonais et les fans qui y ont participé par dons nous offrent un superbe EP, nostalgique et mélodique (ce n’est pas pour rien qu’il figure dans notre dernier top). On sentait déjà les fans extrêmement chauds avant même l’arrivée de l’artiste, juste derrière les crash barrières. Un autre média journalistique (dont nous avons perdu le nom, on s’excuse si vous passez par là) proposait aux personnes les plus proches de la scène de chanter a capella devant leur caméra ; le but étant de créer le plus gros chœur de rap possible. Spoilers, c’est très efficace Les premiers mots du freestyle « j’arrive en 4-4-2 dans un 4×4 noir » suffirent à attirer des dizaines d’apprentis choristes et à installer une ambiance bouillante. L’attente était réelle, l’atmosphère (malgré Caen) brûlante.
Et justement, PLK connaît la recette, il sait où le public l’attend : son emblématique freestyle Émotif, qu’il fait à chaque début de concert. Comme si la chaleur n’était pas suffisante dans la fosse, PLK accompagne son entrée sur scène de lance-flammes qui n’ont rien à envier à celui manuel amené par Vladimir Cauchemar la veille. Cela annonce la couleur – ou plutôt la température – du reste du show, Mathieu Pruski enchainant avec facilité chaque morceau et alternant ses tubes les plus connus avec les nouvelles pépites présentes dans 2069’. On peut le dire sans l’ombre d’un doute, petit polak est devenu grand, et nous offert sans l’ombre d’un doute une superbe conclusion à la partie rap du Festival Beauregard 2023.
Jour 2. Dimanche 9 juillet, 21h25 : retour aux affaires courantes
Après cette déflagration, on est allé écouter le musicien préféré des cinquantenaires, Sting, qui a la qualité indéniable d’avoir une bonne vingtaine de tubes massifs pour alimenter son set d’ailleurs impeccable. Foncez écouter Shapes of heart, vous reconnaitrez le sample sur The message de Nas. On s’est ensuite fait détruire (avec plaisir attention !) par le set de techno berlinoise de Boys Noize, et de conclure sur le joyeux bordel que fait encore – et toujours – Shaka Ponk en concert.
Ainsi s’achève, pour nous, cette édition de Beauregard. Merci encore pour l’invitation, et à bientôt, on l’espère.