Si le rap francophone se porte à merveille dans ce premier semestre de 2022, c’est en grande partie grâce à Makala. Le 1er avril dernier, il a dévoilé son deuxième album, Chaos Kiss. Cela faisait presque trois ans que l’on attendait son retour, tant Radio Suicide nous avait convaincu. Les premiers singles sortis quelques semaines plus tôt (Al Dente, Belly et Boss), laissaient présager une proposition musicale fidèle à l’artiste : singulière, pure et terriblement efficace. Lancé depuis 2012 dans le monde de la musique, Makala semble au sommet de son art et du chaos qu’il apprécie tant.
Une aventure introspective
Chaos Kiss est composé de 16 morceaux avec les apparitions de son compère de toujours, Varnish La Piscine (x3), Daejmiy, Hill.G et Mairo. Dès l’introduction, on comprend la volonté première du disque : voyager dans la tête et les pensées de Makala. À travers cette aventure auditive, on fait face aux questionnements incessants de l’artiste, qui cherche un moyen de progresser, de devenir meilleur et surtout de lâcher prise grâce à sa musique.
Ce qui est évident, c’est que Makala est en harmonie avec son art, reconnaissable et identifiable par mille. Il parvient à pousser encore plus loin une créativité déjà exacerbée. Son caractère unique et riche renforce un univers sonore déjà établi. La voix du rappeur y est d’ailleurs pour beaucoup dans cette qualité musicale. L’artiste interprète véritablement chacun de ses morceaux. Il incarne un personnage charismatique. Un album de Makala peut être consommé tel un film. Et comme une œuvre cinématographique, il faut du temps pour concevoir un travail qualitatif. Sur le morceau Les Barrages, il rappe avec un flow nonchalant, dévoilant toute l’étendue de son panel musical, dont lui seul a le secret. Si le Hip-Hop helvétique évolue au fil des années, Makala en est assurément l’un des contributeurs principaux.
L’une des forces majeures du projet réside dans les instrumentales: Elles sont recherchées et originales. Makala glisse avec une certaine aisance sur ces dernières avec des flows variés et imprévus. L’auditeur se retrouve chahuté. Il faut dire que le rappeur suisse s’est toujours défait des codes prédéfinis dans le rap.
« Je ne ressens pas le besoin de simplifier ma musique parce que j’estime déjà qu’elle n’est pas compliqué pour être compliquée »
Interview Le Code avec Mehdi Maizi.
Avec tous les changements de flows et de prods par morceaux, il est impossible de s’ennuyer. Chaos Kiss est une véritable expérience musicale à écouter plusieurs fois.
Une dualité prononcée entre les lyrics et les sonorités
Si Makala détonne, c’est avant tout grâce à l’énergie placée dans le paradoxe entre les sonorités joyeuses et les propos sombres. Dans Budapest, il raconte l’histoire d’un braquage organisé par un groupe de femmes qui dérape totalement. Si vous ne comprenez pas le français, vous risquez de bouger vos hanches sans pourtant comprendre qu’il interprète une fusillade au sein d’une banque. Sur Lards, pendant que vous chillez, Makala chantonne les menaces qu’il peut faire aux personnes qui lui doivent de l’argent. Encore une fois, le rappeur suisse renforce cette dualité entre les lyrics et les sonorités sur le morceau Prison Break. La prod est digne des plus grandes déclarations romantiques, pourtant il parle d’un des méfaits d’une relation amoureuse: la jalousie.
La femme est un thème omniprésent à travers l’ensemble du projet. Sur Gurlz Tower, Makala conseille à la gente féminine d’écouter sa musique pour aller mieux. Au-delà de l’aspect ironique, c’est avant tout un message rendant hommage aux femmes et ça, nous validons.
« Qu’elles s’endorment, qu’elles fassent des beaux rêves. Pas grâce à moi, mais à ma musique ».
« J’invite les femmes du monde entier à s’serrer les coudes».
Globalement, Chaos Kiss semble avoir été bien reçu par son public, puisque le natif de Bienne a rempli à deux reprises la salle parisienne de La Machine du Moulin Rouge. Makala ne se perd pas en chemin et fait preuve d’une grande lucidité pour continuer à suivre sa démarche : être différent. L’embrasement du chaos ne fait que commencer avec Makala, du moins on l’espère.