[Chronique] « Montre jamais ça à personne » : qu’attendre du retour d’Orelsan ?

La fête est finie, sorti en 2017, fut l’album de tous les records pour Orelsan. Un disque de diamant, des Victoires de la musique, des singles d’or et de platine plus tard, le rappeur normand semble se diriger vers un retour tonitruant. Avec Montre jamais ça à personne, une série documentaire diffusée sur Amazon Prime, on suit Orelsan et toute son équipe (Gringe, Skread et Ablaye) de leurs débuts jusqu’à aujourd’hui. 3000 heures de rushs filmés sur une vingtaine d’années, ont donné lieu à un résultat frais, juste et réel.

Montre jamais ça à personne ouvre les portes de l’univers d’Orelsan

Si la série documentaire est bien reçue par la critique, c’est avant tout grâce aux images d’archives filmées par Clément Cotentin, son petit frère. Durant l’ensemble des six épisodes, on comprend que tout n’a pas été simple pour l’artiste normand. C’est ainsi que l’on passe de l’humiliation du concours de clash d’Unkut sous les yeux de Booba, à la conception du premier album Perdu d’avance, puis à la polémique du morceau Sale pute en 2009, au film des Casseurs flowters, pour finir sur les AccorHotels Arena pleins à craquer en 2018. Loin des documentaires promotionnels téléphonés et sans réel sens, Montre jamais ça à personne est une authentique plongée dans la construction du succès du rappeur. L’objectif est simple : raconter la trajectoire de leur fidèle clique, passant de petites à grandes anecdotes. « Le documentaire peut donner des clés pour entrer dans l’univers de mon frère, comprendre le second degré, la mise à distance, comprendre ses personnages, ce qu’il a fait dans le passé et ce qu’il fera dans le futur », avait indiqué à l’AFP Clément Cotentin. Il y a un plaisir certain à découvrir ces archives, nous rendant presque nostalgiques de moments que l’on n’a pas vécus.  

Lors du dernier épisode de la série, on aperçoit Orelsan travailler sur son nouvel album. Il a notamment confirmé cette idée au micro de France Inter : « On voit que je travaille sur un nouvel album à un moment. Pour l’instant, c’est un peu mystérieux ». Le flou n’aura pas duré très longtemps : Civilisation, le 4e album d’Orelsan sera disponible le 19 novembre prochain. Pour défendre le projet, une tournée mondiale a été annoncée depuis plusieurs semaines par l’équipe du rappeur, avec notamment quatre AccorHotels Arena d’affilée entre le 16 et le 19 mars 2022. Alors à quoi s’attendre avec Civilisation

Le renouveau

La fête est finie est vu comme l’album de la maturité pour Orelsan, tout en s’appuyant sur les bases de son univers. À savoir, raconter des choses simples, de manière simple, d’où le hit Basique. Depuis plus de 10 ans, il a imposé sa patte sur le rap français. Le fait de parler de sujets très banals et de se vendre comme un looser relevait de l’avant-gardisme à l’époque de la sortie de son premier album. Aujourd’hui, tout le monde sait ce que c’est « du Orelsan », il est reconnaissable entre mille. Le réel objectif du rappeur normand avec ce nouvel album est de réussir à s’émanciper de son identité musicale et visuelle originelle. Sans renouvellement artistique, Orelsan pourrait foncer droit dans le mur. Un artiste qui vieillit, sans apporter de nouvelles touches à son univers, ne parvient jamais à se maintenir tout en haut de l’affiche. 

Pour se réinventer, Orelsan pourrait aborder de nouveaux sujets. Il faut bien avoir en tête que le rappeur est tout à fait conscient de ses propres limites et du fait qu’il a finalement assez peu de choses à raconter. Durant toute sa carrière, il a essayé de cacher ses faiblesses de contenu par des morceaux à thème unique. On pense notamment à Suicide Social, Défaite de famille ou encore La petite marchande de porte-clefs. Il ne peut plus les réutiliser pour ses prochains morceaux. Autre sujet à éviter : sa ville, Caen. On sait l’importance qu’Orelsan accorde à la ville normande, l’endroit où tout a commencé pour lui. Ce serait intéressant de le voir s’émanciper de ce thème. En effet, lors des albums précédents, il avait déjà exploité le sujet, particulièrement sur La Fête est finie avec le morceau Dans ma ville, on traîne. Approchant de la quarantaine (39 ans), Orelsan pourrait s’exprimer sur le temps qui passe, sur la paternité ou encore sur son statut dans le rap français. Il existe en réalité une multitude de sujets qu’il pourrait exploiter de manière efficace et universelle. 

No Limit, Orelsan, Ninho - Millions (Clip officiel)

Ambitions et rêves

La tracklist et ses 15 morceaux, dévoilée en même temps que la date de sortie de Civilisation, ne laisse que très peu de place à l’imagination. Avec Shonen, Du propre, Bébéboa, Rêve Mieux, Seul avec du monde autour, Manifeste, L’odeur de l’essence, Jour meilleur, Baise le Monde, Athéna et Civilisation, il continuera probablement de raconter sa propre expérience. Ce qui est sûr c’est qu’Orelsan est à un moment décisif de sa carrière. Sur la cover, on aperçoit le rappeur normand tête baissé, laissant le premier plan à un mystérieux drapeau avec un sigle s’approchant d’un shuriken. Son amour pour l’univers nippon pourrait être exploité plus profondément avec cet album. Le drapeau pourrait matérialiser le fait de rejoindre sa fan-base, accéder à la nation Orelsan, mais peut-être laissons-nous notre imagination dériver trop loin…

Afin de marquer l’histoire du rap français et d’écrire une grande page de sa carrière, Orelsan semble vouloir réaliser ses rêves et surtout se faire plaisir. Fan depuis toujours du duo The Neptunes, composé de Pharell Williams et Chad Hugo, Orelsan a réussi à les inviter sur le morceau Dernier Verre. Autre featuring : Gringe. Ensemble depuis le début de leurs carrières respectives, les deux MC’s collaborent une énième fois ensemble sur le morceau Casseurs Flowters Infinity. Pour illustrer le disque, on retrouve de magnifiques photographies de Alice Moitié, qui a travaillé avec Regular sur la cover de Civilisation

Vous l’aurez compris, tout roule pour Orelsan en ce moment. Civilisation sera probablement un succès commercial important et devrait conforter son statut d’artiste incontournable de la scène rap française actuelle. 

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