Avec la rubrique découverte La Nouvelle FRap, on digge les nouveaux talents du rap francophone qui vont bousculer le game et vos playlists dans les mois à venir !
A intervalles de temps réguliers, LREF vous propose un petit panel de cinq artistes auxquel.le.s il est urgent de jeter une oreille. Pour cette dernière sélection de la saison, avant notre pause du mois d’août, on a tâché de chiner de façon optimale ! Bouche à oreille, passage au crible des posts Chineurs de rap et des line-up de divers tremplins, sans oublier les profils Groover : beaucoup de médias ont servi à concocter cette Nouvelle FRap estivale.
Eesah Yasuke
Mise en lumière par l’OBS puis par Konbini, Eesah Yasuke a été peu citée dans les médias spé, lacune qui devrait s’effacer très vite dans les prochains mois. Vainqueure du Buzz Booster Hauts de France il y a quelques mois et finaliste du tremplin Rappeuses en liberté, l’artiste originaire de Lille a livré, avec son EP Cadavre exquis (sorti le 18 juin), une des grosses claques rap de ce début d’été. Parfaitement cohérent du point de vue musical, cet opus révèle les immenses talents d’Eesah en matière d’écriture. Poétiques, imagés, servis par un savant mélange d’assonances et d’allitérations, les couplets de la MC font la part belle à l’introspection et à l’engagement. Eesah Yasuke se livre sans détours sur ses tourments, sa jeunesse en foyer, son rapport au racisme. On ne peut s’empêcher de rapprocher la rappeuse, éducatrice spécialisée de formation, du belge Isha, qu’elle cite comme référence et avec qui la lilloise partage des convictions sociales, décoloniales, ainsi qu’un charisme vocal hors normes.
Navy
Quand on a découvert Navy dans le clip de Time – crâne rasé, teint blafard, flow technique et énervé – on s’est dit qu’on tenait là un Cenza version lyonnaise. A l’écoute de Brut, album 11 titres sorti par le gone le 25 juin, force est de constater que sa direction artistique est bien différente de celle du montreuillois, mais n’en est pas moins enthousiasmante. Vainqueur du Buzz Booster Auvergne-Rhône-Alpes fin 2020, Navy a déjà livré deux projets, disponibles sur les plateformes : Traces, EP 5 titres sorti en 2019, et Brut, donc, qui constitue la véritable carte de visite du MC. Du kickage énergique d’Elite au refrain flegmatique de No love, le lyonnais dévoile dans cet opus une palette variée de thèmes et de flows. Formé au piano et au saxophone en école de musique, il porte une attention singulière à la musicalité dans ses morceaux, n’hésitant pas à intégrer des instrumentistes au processus de création. En somme, Navy est un artiste prometteur, qui ajoute sa pierre à l’éclectisme et au dynamisme de la scène du 69.
Rio80
Originaire d’Avignon, Rio80 apporte une grosse dose de style et d’attitude dans cette Nouvelle FRap ! Membre fondateur de la marque Rewind, le MC et l’équipe avec laquelle il collabore offrent un travail visuel particulièrement léché, comme en témoignent les très beaux clips des morceaux Assassin, Abysse et Vérités. Si l’image tient une place importante dans sa proposition artistique, le rappeur (qui produit également ses sons) ne lésine, pour autant, ni sur le contenu ni sur la musicalité. Résolument cloud, le rap de Rio80 oscille entre l’égotrip et la mélancolie, entre l’évocation de la rue, celle de l’amour, celle des psychotropes. Inspiré par l’esthétique nineties, le sudiste ne s’en est pas moins converti avec succès à l’utilisation de l’autotune, outil qui apporte une belle valeur ajoutée sur les titres sortis jusqu’à présent. Avec trois morceaux disponibles sur les plateformes (les trois clippés, cités plus haut), il est certain que Rio80 n’a pas encore dévoilé toute l’étendue de son potentiel : on garde donc à l’œil l’artiste de la cité des papes.
R’may
On a découvert R’may, talentueuse MC originaire de Rouen, par l’intermédiaire de la plateforme des musiques underground La Souterraine, qui a fait figurer l’artiste sur la compil’ Rap féminin underground – volume 2. Au gré de freestyles distillés régulièrement au cours de l’année écoulée, la rappeuse s’est constituée une solide communauté sur Instagram, média qui semble être son vecteur de diffusion privilégié. Par ailleurs, plusieurs courts singles figurent d’ores et déjà sur les plateformes de streaming, et certains ont été gratifiés de clips qui restent dans l’esthétique freestyle, collant bien au style de l’artiste : le rap de R’may est direct, percutant, sans fioritures. A son aise sur les batteries trap, la rappeuse du 76 fait pour l’essentiel dans l’égotrip, avec de la rage de vaincre dans la voix et des rimes bien senties au bout de la plume. Alors que sa notoriété s’accroît progressivement, R’may évoque également – en filigrane dans plusieurs morceaux – l’hostilité et la défiance auxquelles se heurtent encore les femmes dans le milieu musical.
Laws Babyface
La rengaine fait son chemin dans le rap francophone ces derniers mois : la scène lyonnaise est en ébullition. Pour preuve : deux gones se sont taillés une place dans notre sélection ; après Navy, place à Laws Babyface ! Basé – comme son compère Tedax Max – dans le 3e arrondissement de Lyon, le rappeur d’origine sénégalo-malienne enchaîne les singles depuis début 2020, là encore dans un style bien différent de celui des autres MCs de la ville. Sur de gros boom-bap affublés de samples jazz et soul, Laws rappe un quotidien rythmé par les aléas du bitume, en faisant la part belle aux allitérations et en laissant parler sa puissance vocale. Il y a des accents d’Ul’team Atom ou de FF dans la musique du lyonnais, et il est jouissif d’entendre la rue et le boom-bap aussi bien réunis. En attendant la Nouvelle FRap de septembre, on vous laisse avec le morceau Virago, sans doute la meilleure ogive livrée par Laws Babyface, qui transporte, le temps d’un clip, l’atmosphère new-yorkaise sur les berges du Rhône.