Avec le concept du 808 Club, les producteurs renommés Shaz et Alex Grox cherchent à offrir aux artistes, comme aux fans, une parenthèse créative dans le paysage du rap français…
Vous n’avez jamais entendu parler du 808 Club ? C’est dommage, vous passez à coté d’un format qui met en valeur le rap, ainsi que la créativité des rappeurs & beatmakers actuels.
Sous forme de série de vidéos, disponibles sur YouTube et les réseaux sociaux, vous pouvez suivre les aventures des artistes Shaz & Alex Grox, qui composent une instru originale pour un artiste invité,qui pose ensuite dessus directement en studio avec eux (épisodes disponibles ICI).
Dans la lignée des formats allemands COLORS qui ont tant de succès, ou dans une version plus courte que le concept de Tim Levaché, Bienvenue au Stud (à retrouver ICI), le 808 Club permet aux artistes de s’amuser avec leur musique, tout en offrant aux fans des contenus un peu différents, mais dont la qualité est toujours au rendez-vous. Si l’aventure a débuté il y a quelques mois, elle prend de plus en plus d’ampleur, rassemblant actuellement un peu plus de 3000 abonnés.
On a donc eu envie d’en savoir un peu plus, alors nous sommes allés rencontrer les fondateurs de ce 808 Club.
[LREF] Salut Shaz, comment ça va ?
[Shaz] Bien et toi ?
Nickel, merci. Tu es producteur au 808 Club et aussi pour Overseaz c’est ça ?
Oui c’est ça. Overseaz c’est ma structure.
J’ai vu sur Spotify que tu avais sorti un son en solo qui s’appelle Night. Tu as commencé à rapper avant de faire de la prod ?
Non pas vraiment. J’ai toujours fait de la musique depuis tout petit. J’ai fait du piano, de la guitare, du violon, de la basse et de la batterie. Après, j’ai vraiment commencé à écouter du hip-hop. Naturellement, comme je composais, j’ai fait des prods. A part Night, qui est presque plus du chant que du rap, je n’ai pas sorti d’autres sons. C’était plus pour le délire. Moi je suis vraiment la partie musique.
Donc tu as commencé par l’instrument en physique et après tu t’es mis sur des logiciels ?
Exactement, c’est ça.
Tu as débuté sur quel logiciel ?
J’ai débuté sur Reason, ensuite je suis passé sur Machine. Maintenant je suis sur FL Studio. J’utilise aussi un peu Pro Tools.

Est-ce que tu as des inspirations au niveau des beatmakers, des artistes, ou d’un style musical en particulier ?
J’aime beaucoup le Rap US, c’est 90 % de ce que j’écoute. J’ai un peu écouté tous les styles mais en ce moment je suis dans la trap. Je suis vraiment ouvert à tout. Actuellement j’écoute aussi pas mal l’album de 6LACK et celui de Don Toliver. J’écoute beaucoup de rap mais il m’est arrivé d’écouter du R’n’B, du reggae, de la soul.
C’est aussi ça qui te permet d’avoir plusieurs inspirations ?
C’est ça, c’est du kiffe. Je me remets aussi pas mal à Future avec l’album Dirty Sprite 2 qui est pour moi le meilleur album trap qui a jamais été créé.
Et le rap français ?
J’écoute ce qui sort. Mais je suis plutôt dans la catégorie Hamza, Damso, Kalash, avec qui je bosse d’ailleurs. Les rappeurs que j’estime être des vrais musiciens. J’aime bien Freeze Corleone, les artistes assez radicaux dans leur proposition. J’ai du mal avec le rap français « main stream », les sons de playlist. Etant musicien forcément j’ai une oreille assez exigeante. Je pense aussi à La Fève.
Oui, La Fève il a vraiment son propre style, même au niveau des rythmiques.
C’est une vraie proposition musicale. Une musique, ça doit me parler. Je trouve que ça ne doit pas être créé uniquement pour faire un hit.
Personnellement je pensais aussi à Sofiane Pamart, qui est un pianiste, un pur musicien qui travaille avec des rappeurs.
Oui, on a collaboré ensemble sur le dernier album de Captain Roshi.
Est-ce que de ton côté tu travaillais avec des artistes avant de fonder le concept 808 Club avec Alex ?
Oui bien sûr. 808 Club c’est tout récent, ça a neuf mois. Avant ça, j’ai travaillé pour le groupe de hip-hop américain Migos, pour SCH, Alonzo, Bigflo et Oli, Young Thug et encore d’autres artistes. Depuis qu’on a commencé le 808 Club on est à fond dessus. On a fait le premier son avec Kerchak. Récemment on a bossé avec Slimka donc ça va bientôt sortir. On a aussi collaboré avec Zikxo, Negrito, 8ruki, EDGE, Coyote Jo Bastard…On a déjà travaillé avec pas mal d’artistes.
Quand tu faisais des prods avant le 808 Club, tu travaillais directement en collaboration avec les labels des artistes ? Comment le contact se créait ?
C’est très varié. Souvent, c’est toi-même qui doit faire la démarche. On ne va pas t’attendre alors que tu n’as rien fait. C’est plutôt moi qui me battais pour aller faire écouter ce que je voulais leur envoyer comme track. Desfois c’était à distance, d’autres fois en studio. Ça dépend vraiment des artistes. Ceux dont je suis le plus proche c’est Kalash et Rilès, on est un peu dans une relation « day-to-day ».
Alex vient de nous rejoindre. Comment tu vas ? Qu’est-ce que tu faisais de ton côté avant de fonder le 808 Club avec Shaz ?
[Alex] J’étais en connexion avec Terence qui est maintenant le manager de Rilèsundayz, le label de Rilès. Grâce à lui j’ai donc pu bosser avec Rilès et signer sur son label. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai rencontré Shaz. Ensuite, j’ai également signé chez Sony Music Publishing, ce qui m’a permis de travailler avec des artistes comme JUL, Médine etc…
Avec Shaz, on a eu l’idée de créer 808 Club en suivant l’idée d’émancipation, d’être vraiment des artistes à part entière dans la production et avoir le contrôle sur notre musique à 100 %.
Depuis quel âge tu mixes ?
J’étais guitariste dans un groupe pendant mes années lycée. Ensuite je suis parti à Montréal. C’est là que j’ai commencé à faire de la musique assistée par ordinateur. J’ai donc un background de musicien qui m’a amené par la suite à la prod par ordinateur et le beatmaking.
Pour le 808 Club, vous avez vos propres locaux avec votre propre matériel ?
Shaz a son studio à St Cloud, moi j’ai le mien à Rueil. C’est là qu’on compose et qu’on enregistre les titres avec les artistes. Les images que l’on voit sur YouTube et nos réseaux sociaux, on les tourne dans le studio Hauts de Gamme à Boulogne. C’est un studio où pas mal d’artistes de la variété française enregistrent, comme par exemple Les Enfoirés.
Quel est l’objectif de 808 Club ?
C’est offrir une cour de récréation aux artistes, leur permettre de leur laisser un moment où ils peuvent laisser libre cours à leur imagination et à leur création sans être guider par des contraintes de labels ou de formats. Le but est de faire la meilleure track possible et qu’ils s’amusent avec nous.
C’est un peu comme une rencontre entre passionnés pour passer un bon moment musical. Quand vous avez eu l’idée du 808 Club, vous vouliez dès le départ faire des séries de sons avec des artistes ?
[Shaz] Oui, c’était le concept. Sortir une série de singles avec des invités dessus et d’avoir une récurrence. Le but est de sortir des titres avec des rappeurs mais aussi des rappeuses. On n’a pas encore eu de femmes mais on est super ouverts, on aimerait bien à l’avenir. Il y a aussi des artistes internationaux. On est allé à Londres où on a fait des sessions avec des anglais.
Vous avez fait un live à Nantes récemment. C’est quelque chose que vous aimez faire ?
[Alex] Oui, le but c’est aussi de voir les gens qui écoutent les sons et de performer sur scène. Ce live c’était notre premier mais on aimerait en faire encore plus. On va essayer de les multiplier cet été. A la rentrée, ce serait cool d’annoncer une grosse date à Paris. Quand on sort une musique, on voit des streams, des vues, des chiffres. On ne voit pas les visages en temps réels. Les lives permettent de communiquer une énergie. C’est primordial pour nous.
Oui, ça permet d’avoir un contact plus humain.
C’est ça. La musique on oublie trop souvent que c’est de l’humain. Transmettre une vibe sur le moment et partager ça avec beaucoup de gens c’est vraiment top.
Comment vous voyez le futur de 808 Club ?
[Shaz] On veut continuer à faire des titres régulièrement et axer plus sur de la « grande musique », c’est-à-dire de ne pas faire de compromis. On veut proposer quelque chose de nouveau. Quand on voit des gens comme Bizarrap, ça nous inspire parce que c’est très qualitatif. On veut encore progresser.
Est-ce qu’il y a des artistes avec qui vous aimeriez collaborer en particulier ?
On essaie avant tout de collaborer avec des gens qui nous plaisent et qui sont disponibles, qui ont envie de venir. C’est aussi s’exposer à faire une performance en studio en live donc ce n’est pas forcément facile pour tout le monde. Nous on aimerait bien avoir Hamza, Freeze Corleone, Damso, Gazo.
[Alex] On va bientôt aller en Allemagne pour faire des sons avec des artistes allemands. Ce qui nous fait vibrer c’est également rencontrer des nouvelles personnes, aller faire des musiques à l’international et dénicher les talents un peu partout dans le monde. Le but ultime de 808 Club c’est de se créer une audience propre au 808 Club et de pouvoir faire des sons avec des artistes qui ont moins de visibilité mais avec qui on s’entend bien et qui ont un bon projet artistique. On essaie de les faire connaître.
Vous voulez internationaliser le projet ?
[Shaz] Ouais, parce qu’en France on est un peu « franco-centrés ». On oublie qu’à à peine deux heures d’ici il y a des villes avec une super musique, comme Londres ou Madrid. Il y a d’autres vibes à aller chercher. Alex comme moi on a écouté de la musique de pleins de pays différents, parfois plus que de la musique française.
Pour créer un son, comme vous disiez c’est mieux d’inviter des artistes qui vous plaisent parce qu’il y a tout de suite une connexion, on sent qu’on est dans le même délire.
Oui clairement.
Est-ce que chacun de votre côté vous continuez à faire des prods pour des artistes, comme vous faisiez avant ?
[Alex] Oui bien sûr. Shaz il vient de sortir le son Sa Piti avec Maureen. 808 Club occupe pas mal notre temps mais on continue à envoyer des prods partout. C’est notre métier.
[Shaz] On n’est pas fermé à faire une seule chose. On s’amuse. Alex a aussi ses projets. On a pleins de remix qui arrivent. Ce que l’on ne veut pas c’est qu’on nous mette dans des cases. On est des artistes et on fait vraiment ce qui nous plaît.
C’est le plus important de s’épanouir dans ce que l’on fait.
Ouais c’est ça. Sinon on ferait un autre job.
Oui, c’est un job de passion avant tout. Si vous aviez une prod chacun à retenir dans votre carrière ce serait laquelle ? Ou un artiste avec qui vous avez bien aimé collaborer ?
[Shaz] Moi je dirais Working a Fool avec Migos. Le fait que ce soit Migos déjà c’est incroyable. Pour quelqu’un comme moi, quand je repense de là où je viens…atterrir sur Culture III qui marque la fin de la trilogie de Migos c’était fou. En plus sur le son à la fin il y a un super solo synthé de Mike Dean, qui a beaucoup produit pour Travis Scott, Drake ou Kayne West. Il y a aussi tout un contexte, avec ce qui s’est passé avec le décès de Takeoff. C’est assez historique et musicalement c’est une de mes productions qui me plaît le plus.
[Alex] De mon côté, c’est la track Worst Behaviour de Rilès qui est sortie il y a environ un an et demi. Shaz a d’ailleurs aussi travaillé dessus, tout comme Sofiane Pamart. On l’a créé en séminaire. C’est mon premier placement sur Rilès. C’est une track qui me correspond, en mode R’n B des années 2000.
Après avec le 808 Club, je suis obligé de dire McFleury avec Kerchak. C’était notre premier et il a pas mal de succès, on est à 8 ou 9M de streams. C’est ce qui a lancé le projet. Cette prod a un goût particulier parce que c’est avec un sample d’Edith Piaf, donc c’est de la variété française qui rencontre la nouvelle génération du rap. Ce croisement est assez fort en symbolique.
Quand vous faites des prods, vous composez quelque chose qui correspond à vos propres goûts ou vous entrez vraiment dans le style de l’artiste avec qui vous travaillez ?
[Shaz] Ça dépend de la relation que tu as avec l’artiste. Par exemple quand je bosse avec Kalash, vu qu’on est très proches, on va vraiment échanger. Mais quand tu bosses avec Migos, t’es pas avec eux en studio. Je leur ai envoyé mais après je ne savais pas ce qui allait se passer.
[Alex] Je dirais pareil. Quand je suis avec Rilès, il est capable de m’indiquer ce qu’il veut vraiment. On se développe ensemble, il y a une relation de confiance qui naît. C’est plus simple de travailler avec lui. Quand tu places pour quelqu’un avec qui tu n’as pas une relation humaine forte ou que tu ne connais carrément pas du tout, tu envoies des prods par mail en espérant qu’il y en ait une qui plaise. On n’envoie pas un copier/coller de ce que l’artiste a déjà fait, le but est de créer un minimum. Il faut mettre sa patte en la croisant avec l’univers du rappeur. La musique c’est du cas par cas.
Quand on écoute un artiste, on ne pense pas à tout ce qu’il y a derrière. Personnellement c’est aussi pour ça que je trouve intéressant de faire ce genre d’interviews. Les beatmakers et producteurs ne sont pas assez mis en valeur alors qu’ils participent grandement à la conception d’un son.
Oui c’est sûr. C’est aussi cette mise en avant qu’on prône avec 808 Club. Ce sont des personnes qui font la musique derrière les vocalistes. C’est un travail à prendre en compte. On veut mettre en lumière ces travailleurs de l’ombre.
En tout cas merci beaucoup de vous être exprimés. Est-ce que vous souhaiteriez ajouter quelques mots ?
[Shaz] Oui, un peu sur l’actu récente. Ducoup j’ai sorti mon dernier single Sa Piti avec Maureen. Ce sont des sonorités martiniquaises. On arrive vers les soirées d’été en France, allez écouter !
J’ai écouté avant l’interview, on peut dire que c’est festif.
Oui c’est ça mais ça reste aussi sale dans l’interprétation (rires). Régalez-vous et amusez-vous. Il y a aussi l’Intact avec Zicxzo du 808 Club. Là on est dans une vibe encore différente. Comme je t’ai dit en exclusivité tout à l’heure, le prochain son sera avec Slimka. Suivez-nous sur les réseaux !
Il y a aussi Ben PLG bientôt ?
[Alex] Ouais, on a morceau qui arrive avec lui aussi.
[Shaz] Ça arrive fort ! On est en train de caler la date.
Le futur s’annonce bien.
Ça va être chaud, restez connectés !