Hyacinthe dévoile aujourd’hui un nouvel EP intitulé c’était pas le bruit du vent c’était juste mon souffle : une pierre de plus à l’édifice d’un artiste qui écrit à coeur ouvert et les entrailles béantes...
Dans la mythologie grecque, Hyacinthe est le nom du fils d’Amyclas et Diomède, un jeune homme d’une beauté singulière, dont le cadavre encore chaud donne naissance à la fleur, et le sang à son parfum. Pour nous aujourd’hui, Hyacinthe est aussi le nom d’un artiste guidé par le besoin irrépressible d’objectiver la rage qui le dévore de l’intérieur. Tout comme la fleur, il a construit son charme dans la douleur et tire sa force de ses tourments.
Depuis dix piges, Hyacinthe nous expose ainsi son désespoir avec une brutalité mordante, de celles qui ne peuvent s’exprimer qu’avec sincérité. À son écoute, on peut entendre en fond le cri de rage étouffé d’une génération qui regarde son avenir déraper sur une ligne de crête. Nous n’avions pas écrit de chronique sur un projet de Hyacinthe depuis Rave, en 2019 (à lire ICI). Pourtant, le rappeur a fait du chemin…
L’année dernière, Hyacinthe dévoilait le (très beau) Tout ce qui brûle, qui racontait la pyromanie passionnelle de l’artiste pour ses propres rêves :
Un cœur bleu pétrole sous le pull. Le monde ou tes lèvres, moi j’aime tout c’qui brûle.
Comme à son habitude, il jonglait alors avec sagacité entre des envolées funestes sur l’amour ou sur la déliquescence du monde, et des images éloquentes nous reconduisant de force à la réalité. Certains morceaux témoignaient également d’une ouverture nouvelle sur son for intérieur et sur des sujets jusqu’ici passés sous silence dans sa discographie. Avec le morceau Papaoutai 2 par exemple, qui traitait avec un second degré limpide de son absence de relation paternelle, mais aussi avec Fureur de vivre, qui abordait avec élégance un mal-être intime et le besoin de lui faire face :
Parfois la nuit j’parle à la lune en titubant. J’écoute plus grand chose, à part mon coeur et le bruit du vent.
En ce début du mois de mars 2023, Hyacinthe revient avec un 9 titres sentimental nommé c’était pas le bruit du vent c’était juste mon souffle.
Sur cet EP, il nous fait découvrir une sensibilité différente en exprimant un équilibre nouveau dans sa condition d’artiste. Sans trahir les thématiques perpétuelles qui délimitent son propos, Hyacinthe affiche une inclinaison nouvelle à la sérénité, et nous donne même parfois l’impression d’avoir trouvé sa place dans la détresse :
J’ai ce truc à l’intérieur qui me dévore, j’trouve mon équilibre dans le désordre.
Plus ça va plus je m’isole, je n’aime ni les chiens ni les hommes.
ou encore
L’amour c’est un cimetière de promesses, mais j’aime bien les endroits calmes.
J’aime aussi le chaos dans la nuit, quand anges et démons font pas bande à part.
Le fil rouge n’est pas renversé mais il évolue, et certains morceaux font ainsi office de pont entre l’ancien et le nouveau Hyacinthe, comme le mélancolique Hivernal ou l’énergique Ambidextre. D’autres titres traduisent même une maturité nouvelle et marquent un tournant dans l’histoire que l’artiste nous raconte de lui-même : à travers les anecdotes amusantes de Vodka Get, notamment, mais aussi sur l’aérien Don’t Worry Be Happy dont le titre pose le cadre.
Sur l’intro UPDL enfin, Hyacinthe annonce :
Hier j’ai parlé à mon futur moi. J’lui ai dit « t’inquiètes, je vais prendre soin de toi ».
Une évolution dans les textes qui se retrouve du côté des productions, où un joli mélange des genres reflète aussi ce développement nouveau.
Grâce au travail des talentueux Medbanger, San Juliet, Herman Shank ou encore Rosaliedu38, cet EP propose une diversité intéressante : entre jersey, 2step, cloud rap et trap, Hyacinthe joue avec les couleurs, et il le fait très bien. Un projet dense qui s’écoute sans lassitude, et que l’on peut placer comme le plus abouti dans la très belle discographie de l’artiste.
Un jour le monde a crié sa douleur, aujourd’hui Hyacinthe nous en rapporte l’écho.
Dans la mythologie, l’amant d’Apollon est tué par Zéphyr, dieu du vent : notre Hyacinthe à nous n’est pas mort, et il ne craint plus le bruit du vent…
c’était pas le bruit du vent c’était juste mon souffle est dispo ICI